©Philippe Laurençon

Les Trottola sont uniques. Ils savent mieux que quiconque rallumer les étoiles de la piste en y accrochant leur lyrisme réaliste. Voir “Campana” est un choc, retourner le voir re-convoque le bonheur à coup sûr !

Le cirque Trottola n’a plus à faire ses preuves. Or à chaque nouveau spectacle, il repousse encore plus loin l’exigence du cirque et l’implication de l’artiste. Avec leur dernière création “Campana”, sous leur chapiteau rouge installé dans la grande halle du 104, nous entrons en confidence. Se partage ici un moment de grâce que nous ne saurions dévoiler, la surprise décuplant la force de cette proposition très sensible. Ils sont quatre, Titoune, Bonaventure Gacon, Thomas Barrière (guitare, batterie) et Bastien Pelenc (violon, clavier, voix), cependant  tout se joue souvent à deux, de la guitare aux portées ; tout en restant singulier. Chez eux, deux fois d’eux font un monde à part. Un univers où les petits riens, les maladresses, les déséquilibres sont des déclencheurs de métaphores, des déclics à libérer nos imaginaires, des ouvertures au monde. Nous voyageons des ténèbres au firmament, du rire aux larmes. Pour “Campana”, ils ne sont pas tombés dans le piège de décliner la thématique de la cloche selon les représentations que l’on en a (religion, célébration…). Ils n’en ont gardé que sa symbolique : celle d’un objet qui par sa présence ponctue nos vies, tel un marqueur de temps. Point de course effrénée aux numéros, ils prennent le temps, le domptent comme un animal de foire, le mesurent, le conjuguent et nous l’offrent avec la valeur ajoutée de leur poésie. Dans nos têtes se bousculent des images qui ricochent de nos quotidiens à nos rêves sur les airs envoûtants de leur musique abrupte et ludique. Trottola ne fait pas du cirque, il est le cirque dans son entité et sa fulgurance. “Campana” est un spectacle multirisques qui place l’artiste dans un combat perpétuel entre ses limites et son intériorité. Et met le spectateur au cœur du sublime.