Pour son premier spectacle jeune public, le collectif l’Avantage du doute choisit de revisiter le mythe platonicien à la sauce SF. Ici l’humanité s’est retranchée dans des souterrains à la suite d’une catastrophe écologique et survit dans un paradis numérique, branchée sans cesse sur des interfaces de réalité virtuelle, obéissant à toutes les injonctions des assistants vocaux. Mais une jeune fille « spéciale » va évidemment découvrir qu’une vie naturelle est encore possible à la surface. Hélas, rien n’est vraiment maîtrisé dans ce spectacle. Plutôt que de creuser les problématiques et notamment celles de l’aliénation et du pouvoir de l’image, tout est sujet à caricature grossière des travers de notre société, comme ces innombrables références à Apple qui ne parviennent qu’aux parents qui gloussent de complaisance. Le débat entre nature et culture est au ras des pâquerettes avec d’un côté le méchant dominant et ses écrans et de l’autre, le gentil sauvage qui fait du recyclage. Le texte, victime tous les écueils de la création collective, manque de corps et de poésie. Seul moment de bravoure, ce film d’animation, brève Histoire de l’humanité bruitée en direct avec des playmobiles en stop motion, mais là encore si la forme est séduisante, on s’interroge sur le choix des épisodes. Rien n’est sincère, rien n’est pris au sérieux, tout est teintée d’ironie. On s’interroge alors : pourquoi choisir de s’adresser au jeune public, lui qui pourtant nous invite à poser un regard frais et neuf sur le monde ? De ce côté-là aussi la maîtrise manque. Les codes d’interactions posés un temps sont balayés la seconde suivante, or les enfants eux continuent à réfléchir et à jouer le jeu ! Un petite fille dans le public a beau interpeler la comédienne pour lui donner la solution, comme on montre le gendarme chez Guignol, l’actrice est obligée de ne pas en tenir compte pour conserver la structure du drame. C’est assez triste d’assister à une forme qui se veut « conscientisante » et qui prend à ce point les enfants de haut. Mais on se console en réalisant que ceux-ci ne sont pas dupes et sans doute bien moins perdus que nous sur la question de ces ombres/images qui dessinent notre réalité.