La raison mélancolique

Droite-Gauche

Droite-Gauche © DR

Les sciences sociales sont à la mode sur les scènes et n’échappent pas souvent à la « pédagogie incarnée ». De cet écueil, le projet de Sandra Iché n’est jamais loin, puisqu’en 2017 l’artiste a fait appel à des chercheurs afin qu’ils parlent sur le plateau de leur démarche. En 2018, elle décide d’approfondir cette mise en scène de la recherche, mais cette fois-ci les savants sont joués par des acteurs. On y retrouve donc tous les outils de la pièce intello et réflexive : un triple écran épousant la largeur de la scène, la table de travail où s’amoncellent des documents, les voix douces et doctes, amplifiées au micro, susurrant leur savoir à nos oreilles. Pourtant quelque chose surprend dans ce programme a priori attendu. Deux personnages – une historienne, une sociologue – retracent, depuis le début du xixe, l’histoire d’une famille juive d’Algérie. Récit d’une assimilation républicaine, dans sa sobriété interrogative et tâtonnante. Vies disparues, destins contradictoires, espérances frustrées. Mais aucune proximité pathétique qui comblerait un peu notre écart à ce qui n’est plus. Au contraire, la distance du discours rationnel, redoublant le lointain de l’histoire. Le passé est mort, et on ne prétend pas le ramener à la vie. Dans ce travail mélancolique de la raison réside probablement ce qui nous point.