(c) Métropole Films

Auteurs de films d’animation belges de renommée internationale, Vincent Patar et Stéphane Aubier forment un duo indéfectible qui se perpétue dans leurs personnages. Révélés avec Pic Pic, le cochon qui peut devenir « magik », et André, le mauvais cheval qui aime bien pinter, ils ont décroché les honneurs de la critique avec Indien et Côboy, héros déjantés de la série puis du film « Panique au village » : deux figurines tombées de nos poches d’enfant qu’ils font évoluer dans un univers entre western et chronique agraire. Leur prochain opus s’intitulera d’ailleurs « La Foire agricole ».

C’est l’adaptation avec Daniel Pennac d’un autre couple célèbre de la littérature jeunesse, Ernest et Célestine, de Gabrielle Vincent, qui les fait connaître du grand public. Une nomination aux Oscars pour le meilleur film d’animation, un César et un Magritte plus tard, ils continuent à dynamiter l’univers des enfants. En projet, « Chien pourri », une série pour France Télévisions. La récup et le détournement d’objets usuels sont leur credo. Prenant un surréaliste bazar de jouets animés comme terrain de jeu, ils recyclent, bricolent, « déconnent » comme des ados, se chamaillent comme des gamins tout en bousculant avec irrévérence, malice et poésie les codes et le formalisme ambiant. On les a classés du côté des Monty Python, de Jacques Tati, de « South Park »… Ils sont juste uniques et représentatifs de cet humour belge indéfinissable. Hommes de bande, ils ont croisé très tôt celle de « C’est arrivé près de chez vous » – Rémy Belvaux était à la Cambre avec eux –, ils leur ont piqué leur producteur, Vincent Tavier, qui est aussi devenu leur coauteur. Et Benoît Poelvoorde a, dès leurs débuts, été une des voix chocs de leurs personnages, avec en apothéose celle du fermier Steven, auquel il donne son côté hyperdynamique.

Cette carte blanche n’aura rien d’un cérémonial hommage, elle est une occasion supplémentaire d’explorer joyeusement des collaborations. Ceux qui ont ôté le côté « cucul la praline » des dessins animés pour enfants en leur offrant de vrais films d’animation intelligents, espiègles et frais ont concocté un programme très « cul ». En effet, leurs invités seront Nicolas et Bruno, auteurs de « À la recherche de l’ultra-sexe », et Anouk Ricard, madame « Plan plan cul cul » (Les Requins marteaux). Patar et Aubier partagent avec eux un humour corrosif, une bonne dose d’absurde, des situations loufoques et une liberté totale. Le graphisme d’Anouk Ricard a cet identique style faussement naïf, une passion pour les personnages animaliers et les couleurs pétantes. Le tout nourri de dialogues percutants.

Quant à Nicolas et Bruno, leurs « Messages à caractère informatif », qui ont fait les beaux jours de Canal +, épousent totalement leur univers sonore, musical et rock’n’roll. Spécialistes des doublages à la bouche, ils jouent sur la tonalité particulière des voix, foncièrement en décalage avec les personnages un peu absurdes qui deviennent une vraie matière à remodeler. Du pur artisanat qui finit en marque de fabrique ! D’ailleurs, même s’ils utilisent le stop motion, le dessin fait partie intégrante de leur manière de créer. Cette frénésie picturale portée par tout un collectif bouillonnant est au cœur du documentaire « Des cowboys et des Indiens » d’un autre réalisateur belge aussi sulfureux, Fabrice du Welz, et montre combien ils sont proches des arts plastiques. Bref, avec des mecs qui arrivent à la montée des marches de Cannes en tracteur plutôt qu’en limousine, il faudra s’attendre à quelques surprises chocs de dernière minute.