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Nastassja ou Loubna. Deux prénoms qui déclinent deux identités similaires et contradictoires, intrinsèquement liées et indissociablement séparées. Nastassja Tanner, c’est une jeune comédienne et autrice suisse de 29 ans, formée à la Manufacture de Lausanne. Loubna, c’est le prénom que lui donnent ses grands-parents algériens qui n’arrivent pas à prononcer son redoutable prénom aux consonances slaves.

Et on ne sait pas bien, au début du spectacle, si l’on est accueillis par Loubna ou Nastassja dans ce petit salon garni de coussins et d’une table basse, où l’on boit du « coca-banane » Sélecto en écoutant en arrière-fond de vieux tubes algériens diffusés depuis l’antique télévision cathodique. L’actrice, qui est aussi la conceptrice du spectacle, a choisi d’osciller en permanence entre ses deux personnages, celle, fantasmée et dessinée avec ironie, de la jeune Algérienne qu’elle aurait pu être et celle de la Suissesse en immersion dans l’Algérie qu’elle découvre pour la première fois. Un questionnement identitaire traité avec originalité et délicatesse, qui repose en grand partie sur l’attachante interprétation de Nastassja Tanner. L’écriture en elle-même présente encore des fragilités, notamment un clivage un peu trop formel entre la douceur ouatée du commencement du spectacle et le tragique de la guerre d’Algérie qui teinte sans transition sa fin.

Mais Loubna a l’immense mérite d’exister et de faire résonner des paroles rares et précieuses, celles des enfants de la deuxième ou troisième génération d’immigrés algériens qui cherchent à dénouer les fils d’une histoire qu’ils n’ont pas connue et qui pourtant leur appartient.