(c) Jorge León

Pas de siège, pas de scène, l’espace scénique envahit toute la salle, dans une ambiance quasi underground-berlinois. Les éléments qu’on devine de domination et de soumission (chaines, harnais, menottes…) en côtoient d’autres que l’on comprend être du quotidien (cuisine ambulante, bassine d’eau, café et plateau repas). Au cœur de ces éléments déjà contradictoires s’opère un autre conflit, qui se déroule durant 1h30 : les énergies des performeurs, sans cesse en opposition, se résistent, se heurtent, en résistance permanente. Les obstacles, les barrières, les contraintes envahissent l’espace, symbolisant probablement un quotidien normé, une société genrée, installée sur des repères de domination. Pour les performeurs, il s’agit, au centre des ces antagonismes de faits, de parvenir à communier, à “tout faire rentrer” dans cette salle, en se saisissant ici et là de ces éléments ou situations hostiles. Il faut inverser l’énergie : pour Aughterlony, également performeuse, et Rosenblit, les réflexions sur l’énergie et les forces dégagées par les femmes guident la performance. En invitant à chaque représentation selon les tournées des performeurs différents, elle inclut une dimension universelle à  ce qui s’apparente à une performance de l’équilibre des forces et des énergies.

Captivant, intrigant, parfois dérangeant et questionnant, ce “Everything Fits in the Room” ne laisse rien au hasard des interactions des performeurs avec leur environnement chaotique : il semble évident pour le spectateur que chaque élément est signifiant, de la musique de Guttierez et de Self aux objets rencontrés (les branches de sapins, la cannelle, le pamplemousse, les perruques, les petits fours, le jock-strap, la bassine, le sceau, l’échelle, les menottes au ras du sol, les cordes, le string en chaîne, la chaise, le gilet, les néons…). Mais, chaque détail étant d’une précision incisive, et composant un tout performatif sans cesse en équilibre entre le chaos et l’apprivoisement, l’accès au sens de ces éléments hyper-pertinents échappent au spectateur, pourtant totalement invité à une immersion dans le dispositif. Relativement dommage d’éprouver ce qui s’apparente à la frustration du partage dans ce qui se révèle être une performance où les barrières sont à achever.