Transcendance de la mouille

Glaucos

Voilà un spectacle qui va (r)éveiller la lubricité des jeunes et moins jeunes femmes (ainsi que celle des hommes, et pourquoi pas des pandas #I/O Gazette journal moderne), tant les torses vigoureux et dorés des cinq interprètes sont une source de ravissement, un plaisir scopique autant qu’un appel haptique qui donnent envie d’embarquer immédiatement sur un cargo en espérant y trouver, davantage que des Philippins affairés, les moussaillons danseurs de « Glaucos ». Car oui, nous sommes sur un bateau qui tangue, au milieu de marins acrobates secoués par une mer dont les vagues seraient des coups de langue dans leur direction. Remercions celle-là, ou le dieu qui l’habite – Glaucos, figure marine de la mythologie grecque –, de faire swinguer le navire, cabrer la poupe, c’est l’occasion d’amener nos énergiques matelots en sarouel à d’impressionnantes torsions, de spectaculaires propulsions qui feraient passer la gravité pour un fait alternatif. Sur un navire instable, mieux vaut être en mouvement soi-même. Leurs corps domptés se meuvent avec la légèreté de l’écume, au point que leur élément semble être moins l’eau que l’air, matière dans laquelle ils puisent d’invisibles appuis, le paroxysme du spectacle étant une séance de pole dance sur mât – là, on passe carrément notre permis bateau. Laver le pavillon est l’occasion d’un balai de ballets, version hip-hop plus que « Fantasia » : tournant en dérision leur propre virilité, les danseurs désamorcent leur caricature, transformant la figure du marin en un objet d’humour, à l’opposé de l’habituel sérieux taciturne qu’on lui prête. La belle composition originale à la guitare qui les accompagne confère à leur traversée un charme de conte populaire. « Glaucos » est un spectacle généreux, qui s’adresse au spectateur, renouant avec un sentiment que le contemporain a trop tendance à faire passer pour coupable, machiavélien parce que jouant sur les apparences : la séduction. Ce qui séduit ici, c’est d’abord l’immédiate sensation du plaisir qu’ils prennent à danser, c’est cette manifestation explicite d’une joie qui ne se cache pas. Quant à la sueur, dont on voit les perles naître au fur et à mesure de l’effort, déposant à la surface de leurs muscles dignes d’un cours d’anatomie une pellicule luisante qui rappelle l’eau qui les entoure, elle les nimbe d’une aura de corps suintant donc vivant.