Un “Dance Concert” déconcertant

Dance Concert

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Nous voilà face à un objet surprenant : des instruments inconnus, sortes de machines à antennes, sont pendus au plafond comme d’étranges créatures. Ça commence comme ça d’ailleurs, par un vrombissement d’ailes qui parcourt la salle, et on est d’abord intrigué par le dispositif, bercé par le son qui surgit de nulle part. Vient alors une danseuse. Puis deux. Puis trois. On perçoit rapidement la corrélation entre les corps et les notes sans réellement comprendre si les gestes déclenchent ce que l’on entend ou si c’est la musique qui met en mouvement les trois femmes. C’est troublant. Leurs membres deviennent des archers au même titre que les vibrations et les rythmes qui émanent des « thérémines » (les fameux instruments) impactent la matière chorégraphique. Il n’y a plus de compositeur, et les sons enregistrés se mêlent à ceux qui sont produits sur scène. Ola Maciejewska brouille sciemment les pistes.

Ce qui est intéressant, c’est que le son déréalise les corps, les états de corps. En cherchant à produire certains bruits, les interprètes inventent une gestuelle désarticulée, convoquent des mouvements directement connectés à leur ressenti musical. Tels de curieux insectes, elles se battent avec l’air pour faire naître la musique. Un instant, on pense qu’il va y avoir une distanciation intéressante, presque une forme d’humour au cœur de cette performance déroutante. L’une des danseuses offre en effet un regard perplexe au public, comme l’expression surprise de ce que son propre corps déclenche dans l’espace. Mais non, on en reste à l’exécution pure et dure, et par la même occasion, on laisse le public à la porte.

Ola Maciejewska affirme réaliser une écriture dramaturgique à partir des sonorités, du choix particulier d’une résonance ou d’une autre. Mais de dramaturgie, on n’en voit guère. L’artiste veut dénoncer un rapport viril et machiste au bruit. Soit. Les danseuses sont en treillis et exécutent des mouvements inspirés de sports de combat. Soit. Et après ? Ça s’épuise, ça ne va pas plus loin. On reste perplexe devant l’œuvre présentée et on s’interroge encore une fois sur la limite entre spectacle et expérimentation. Faut-il nécessairement être féru de musique contemporaine ou connaître tout Cunningham pour apprécier ? Si c’est le cas, c’est bien dommage, car le public n’a pas toujours les moyens d’entrer dans la ruche même s’il rêve de danser aux côtés des insectes.