Un voyage extraordinaire

Hocus Pocus

(c) Philippe Weissbrodt

Fausse jumelle de « Vacuum », la pièce « Hocus Pocus » reprend le dispositif scénique de la première en l’adaptant à un spectacle pour enfants. Leurs débuts sont d’ailleurs similaires, sorte d’imagier où apparaissent des corps morcelés : un bras, un mollet, un poing puis deux, à tel point que durant les dix premières minutes ceux qui ont déjà vu « Vacuum » peuvent se demander s’ils ne se sont pas trompés de spectacle.

Puis rapidement, la représentation bifurque. Là où « Vacuum » était chair triste de peep-show, « Hocus Pocus » se fait casse-tête visuel : comment peut-on voir autant de mains ? Il n’y a pourtant que deux danseurs. Est-ce un bras ? Une jambe ? Oh, une tête ! Tiens, une deuxième ! Et voilà le jeune public embarqué dans une histoire d’amitié telle qu’on n’en connaît que lorsqu’on est petits, une aventure rocambolesque de laquelle on ressort toujours aussi copains, mais un peu plus grands qu’avant, menée tambour battant par les deux héros du jour, Lukas et Victor.

Empruntant autant au théâtre de marionnettes qu’à l’univers des fêtes foraines, le dispositif scénique devient tour à tour baraque de guignol, maison hantée et fond marin tandis qu’un jeune garçon part à la recherche de son copain bêtement tombé du ciel. On y croise des fantômes, des baleines, on fait des bras de fer et des bagarres pour de faux pour savoir qui est le plus fort, et surtout, on rigole bien.

Dans l’univers burlesque de « Hocus Pocus », tout finit au mieux et tout est un peu magique, pour les petits comme pour les grands. Philippe Saire réussit à proposer un spectacle qui est autant un spectacle d’enfants accessible aux adultes qu’un spectacle d’adultes accessible aux enfants. Formule magique par laquelle le merveilleux arrive, « Hocus Pocus » est une quête initiatique bondissante où tout est vrai puisque tout est faux. Un soupçon de Lewis Carroll et de Saint-Exupéry vient parfaire l’intemporalité du spectacle, le colorant de nostalgie pour les adultes tandis que les enfants y verront l’épopée de copains/frangins comme ils en rêvent assurément. Le noir finit presque par en paraître rassurant, car s’il peut cacher des monstres, il peut aussi faire naître des héros.