(c) Marie Pétry

Petite forme (une trentaine de minutes), “Glissements” est une pièce de danse conçue pour et programmée dans le cycle “Danse dans les Nymphéas” du Musée de l’Orangerie. Installé confortablement dans les deux salles exposant les célèbres toiles de Monet, le public assiste à ce qu’on pourrait envisager comme quatre solos simultanés, puisqu’il est impossible de regarder plus d’une danseuse à la fois.

“Glissements” se compose d’une longue phrase de micro-mouvements qui, mis bout à bout, constitue le glissement dont il est question dans le titre. Dansant comme au ralenti, les interprètes passent le plus clair de la représentation en déséquilibre, déséquilibre créé à la fois par la lenteur des mouvements et par la fragilité des appuis. En tentant de créer des façons inédites de répartir le poids du corps, Myriam Gourfink travaille l’infiniment petit au sein de l’infiniment grand que symbolisent les gigantesques “Nymphéas”.

On pourrait s’attendre, ou craindre, c’est selon, à ce qu’une danse dans (en l’occurrence devant et pas dans, mais ne jouons pas sur les mots) des fleurs se fracasse sur l’écueil du champêtre. Or, chez Myriam Gourfink, il n’en est rien. Peut-être, sûrement, même, est-ce en partie lié à la musique composée par Kasper T. Toeplitz et jouée en direct, mais on en vient à modifier notre regard sur les “Nymphéas”. Alors que ces tableaux nous avaient toujours parus doux et apaisants, évocation des jardins de la maison de Giverny, nous nous sommes surpris à ressentir une certaine inquiétude. Ancien paysage tranquille, le lac aux nymphéas est devenu une surface d’eau agitée où les danseuses tentent de ne pas se noyer. Temps et mouvements se retrouvent diffractés à l’extrême tandis que le long mouvement glissé évoque autant le serpent de la Genèse que la noyade de l’Ophélie shakespearienne. Ainsi Myriam Gourfink  nous rappelle que les fleurs sont périssables et, parfois, empoisonnées, et que la belle jeune fille peut cacher de bien tristes secrets.