Le journal d’Anne Frank relève de ces livres qui, étudiés enfants, restent présents dans les recoins de nos mémoires. Et c’est avec une nostalgie ouateuse que le spectateur fait face à nouveau à l’enthousiasme communicatif de cette jeune fille pleine de vie en temps de guerre, proche de l’émotion de ceux qui découvrent l’histoire pour la première fois. L’adaptation de Geneviève Pasquier se centre sur les sentiments de ces trois jeunes gens, privés d’air frais, coincés pendant des années dans l’exiguïté de cette annexe au centre d’Amsterdam. Anne tient un journal, exutoire vital, fenêtre de liberté dans un monde qui n’en a plus. De 13 à 15 ans, elle raconte avec verve et panache (contrepoint manifeste à ses conditions clandestines) sa mue physique, psychologique et ses relations avec les adultes présents, sa sœur aînée et le fils d’amis réfugiés sous le même toit. Les questionnements qui assaillent l’adolescente oscillent entre les premiers émois amoureux et sa condition de femme juive, ses rêves d’écriture et de défoulements au grand air. De facture très classique, la proposition tient par la générosité de ses acteurs et l’angle dramaturgique limpide mais tenu : raconter encore les réalités de ces années sombres et exalter les vertus de l’écriture. Ici le théâtre tient son rôle de passeur d’histoire, de témoin vivant et de manifeste pour l’avenir à hauteur d’adolescent. Appuyés par une scénographie modulable qui joue subtilement des effets d’enfermement, une bande son qui vient surligner les envies d’ailleurs et des rétro-projections qui permettent à l’écriture de courir sur les murs, la mise en scène des deux directeurs du théâtre des Osses touche par sa belle théâtralité et assouvit le souhait de l’auteur : devenir immortelle grâce à ses mots.