“I am large, I contain multitudes”

Multiple-s

(c) Laurent Philippe.

Salia Sanou, pour son spectacle « Multiple-s », nous convie à une balade méditative en forme de triptyque qui fait la part belle à des invité.e.s de marque : la danseuse Germaine Acogny, l’auteure Nancy Huston et le musicien Babx. Au centre de cette méditation, les sujets de l’identité, de l’exil, de l’Orient et de l’Occident ou encore du rôle de l’art surgissent par bribes, éclats de mots proférés par des invité.e.s qui agissent comme les voix d’une conscience intérieure qui viendrait interpeller Salia.

Le dialogue engagé avec chacun des invité.e.s se fait dès lors tentative d’art total – danse, musique, littérature –, comme une manière de diversifier le « moi » du danseur. À rebours d’un narcissisme probable dans lequel peuvent s’engager les artistes dès qu’il est question d’identité – et bien plus encore de la leur –, Salia Sanou se lance dans un contre-pied absolu et réalise quasiment un geste d’effacement de lui-même ; pour mieux faire place à celles et ceux qui l’inspirent ? C’est peut-être le principal regret que l’on aura de ce « Multiple-s » : la difficulté de trouver un juste équilibre entre la place faite aux autres artistes conviés et celle que prend le chorégraphe lui-même, présence intermittente, parfois trop ténue. Pourtant, ces invitations semblent s’apparenter à un don – l’espace de cette scène dans la belle cour minérale de l’université d’Avignon – permettant au spectateur d’entendre la voix toujours confondante de Babx qui chante les vers du poète Gaston Miron ou les pas devenus légendaires de Germaine Acogny, figure de la danse africaine et mentor de Salia Sanou. Un spectacle en forme d’hommage en somme, qui nous promène tout en douceur dans un réseau d’influences variées et nous rappelle, selon le célèbre vers de Walt Whitman, l’inhérence de nos contradictions et de nos multitudes contenues. La scène se fait dès lors le lieu non pas de leur résolution, mais de leur mise en présence conjointe, œuvrant vers un moment d’harmonie.