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Lorsque l’on sort de « Jean-Pierre, Lui, Moi » de Thierry Combe nous revient en mémoire les paroles de Maxime Le Forestier : « Etre né quelque part / Pour celui qui est né / C’est toujours un hasard ». Et fait écho à une des phrases choc du spectacle « Le présent qui déborde » de Christiane Jatahy : « C’est de ma faute je suis né au Moyen-Orient ». Chaque naissance engendre une somme de probabilités qui font de nos vies une table de casino où se jouerait avidement chaque partie. Des coups de dés en coups du sort nos trajectoires de vies se façonnent, entraînant dans leurs sillages un flot ininterrompu de questions existentielles : « Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi ici ? »

Pascal a un frère, Jean-Pierre. Il n’est pas tout à fait… Il est… Comment dire ? En fait, on ne sait pas exactement ce qu’il a… Pascal mène l’enquête en mode profiler. Pour mieux nous faire comprendre son frère, il se glisse même dans sa peau et devient cet autre qui aurait pu être lui. Nous voilà obligés de regarder en face une personne porteuse de handicap, assis dans cet espace confiné, délimité par une simple palissade en bois et où aucun échappatoire n’est possible. La force de cette proposition est là… dans ce face-à-face en ricochet. Un face-à-face avec lui, l’autre, nous. Car dans cette truculente galerie de portraits que nous offre Thierry Combe il y a forcément un étranger qui nous est familier.

Les multiples pépites scéniques qu’il ne faut en aucun cas dévoiler s’articulent autour d’un judicieux dedans-dehors. Un aller et retour continu entre intime et universel, fiction et réalité, claque émotionnelle et pas de côté pour déjouer le pathos à haut risque inhérent à ce sujet. Il s’y ajoute le regard extérieur que Thierry Combe porte avec malice sur son propre spectacle, de connivence avec le public. Cette prise de parole théâtrale sur le handicap est hyper gonflée et bienveillante. « A quoi sert un frère handicapé ? » : qui s’est déjà posé cette question ? Dans une démarche artistique à la Milo Rau, Thierry Combe et son Pocket Théâtre nous convient à une retranscription du vécu dans une trame fictionnelle où le réel est augmenté des divers points de vue suscités. « Jean Pierre, Lui, Moi » sort la question du handicap de la culpabilité stérile, du réflexe d’empathie, du carcan “bien-pensant” pour mettre la quête de sens de nos existences au cœur du sujet. Une bouffée d’air frais qui décoiffe !