Le frelon asiatique ne rentrera pas ici

La République des abeilles

© Christophe Raynaud de Lage

Belle ironie que le titre le plus politisé des spectacles avignonnais soit attribué à ce documentaire onirique, vaguement écologiste certes, mais imprégné avant tout par les lubies théâtrales du symbolisme. Grande complice de Valère Novarina, Céline Schaeffer s’empare d’une langue bien moins énergique et d’une œuvre encore plus antithéâtrale que les drames statiques de l’auteur belge. À ceux qui estiment que les textes tardifs de Maeterlinck auraient perdu leur puissance énigmatique et qui lisent parfois cet essai comme une allégorie trop claire de certaines politiques douteuses, cette petite fable spectaculaire fait apparaître toute la tension esthétique du texte maeterlinckien, confluence entre science et métaphysique, méthodologie et poétique, exposition des « lois remarquables » de la nature et suggestion de leur protocole insaisissable. Du « langage muet » des fleurs et des abeilles, des « trèfles blancs » aux « sombres jacinthes », ce drame microscopique joué « à l’abri du regard des humains » offre un inédit au théâtre maeterlinckien en reconduisant toute la charmante désuétude dont ses drames de reines et de cire sont faits. Cathédrale aux vitraux de papier, serre chaude semi-transparente, la magnifique scénographie de Céline Schaeffer, Élie Barthès et Lola Sergent (exacerbée par l’écrin mystique des Pénitents blancs) masque et révèle le tragique quotidiende ce nouvel « intérieur » maeterlinckien toujours menacé par la mort. Instructif et contemplatif, ce jeune public est une magnifique voie d’accès au théâtre comme expérience esthétique (prégnance du sensible sur le discours montrant qu’au Festival d’Avignon on mise décidément plus sur l’âme suprême des enfants). Par-delà la clôture prophétique qui surligne la nécessité de l’adaptation, Schaeffer est parvenue à rendre justice à toute la politique contemporaine de cette écriture suggestive en accueillant cette « présence d’une chose très douce et très grave » dont le théâtre fait son miel quand il est un haut lieu de connaissance et de méconnaissance du monde.