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Basquiat Remix

Échos, comparaisons, rapprochements, filiations… Ces dernières années, il est de bon ton chez les commissaires d’exposition de souligner les lignes de force d’une œuvre en regard de celles d’autres artistes, pour en révéler la singularité tout en l’inscrivant dans une constellation artistique. Si la démarche peut être féconde, et les étincelles produites par cet entrechoquement se révéler éclairantes, ce « Basquiat Remix » paraît néanmoins assez superficiel. Des œuvres du prodige américain (1960-1988), au parcours météorique, sont placées à côté de tableaux et esquisses de Matisse, de Picasso et de Cy Twombly, maîtres avec lesquels il entretient un rapport tout aussi amusé et taquin qu’admiratif. Son attachement aux couleurs primaires, son goût du griffonnage et de l’assemblage sans hiérarchie résonnent avec les recherches de ces peintres. Surtout, son allant pour l’enfance – une enfance brutale, sauvage, rageuse – s’allie à l’élan vers une naïveté perdue commune au trio d’artistes.

On entend bien quelques airs de jazz dans les œuvres du trublion de Brooklyn, où ils se dépouillent néanmoins de leur rondeur bienveillante pour devenir des saccades acérées ; on saisit moins les brouillages de Twombly dans les lignes claires de son compatriote. Les liens qui se tissent, par ces appositions, tendent alors à se relâcher, mais l’attention se concentre sur les œuvres elles-mêmes plutôt que sur le parcours proposé.

Au-delà des inspirations formelles, la citation est aussi nominale : de son écriture maladroite en majuscules, Basquiat répète les signatures des grands artistes sur ses feuilles – et donc les désacralise –, comme hanté par une ritournelle obsessionnelle : « Pablo » apparaît dans des arènes et des références à la tauromachie chères au peintre espagnol ; « Matisse » à côté d’un bocal de poissons rouges.

La Fondation Louis Vuitton avait déjà tenté de lier Basquiat à Schiele, lors de l’exposition de l’automne 2018, mais leurs noms mis côte à côte se réduisaient plus à un titre de réclame racoleuse qu’à un véritable travail curatorial. Le projet est différent à Avignon, mais on reste tout de même sur sa faim. Disons que c’est surtout l’occasion de découvrir certains trésors de la collection Lambert, dont une affiche des années 1980 témoigne du soutien envers l’artiste américain dès ses débuts, quand la collection n’était alors qu’une galerie et qu’elle accueillait ses premières œuvres, flairant chez lui le style propre et viscéral du génie. Les têtes couronnées de ses crucifiés nous regardent, l’œil vide et écarquillé, et son règne se poursuit.