Musiques-Fictions : à voix haute

Musiques-Fictions

© Bpi 2019 / Atelier 25

Derrière la sobriété de l’appellation générique « Musiques-fictions » se cache un travail d’ampleur. Se dirigeant à contre-courant d’une consommation gloutonne de produits culturels éphémères, l’Ircam souhaite l’avènement d’une collection d’œuvres durable, tournée vers une question artistique essentielle et transmise tout à la fois avec générosité et rigueur.

Ici se rejoue un débat millénaire concernant l’alliance entre textuel et sonore. Les écrivaines Maylis de Kerangal, Annie Ernaux et Céline Minard ont composé différents récits à la manière de partitions pour voix, musiques et bruitages divers. Leurs travaux bénéficient non seulement du précieux apport venu d’acteurs, musiciens, et metteurs en scène de renom, mais encore de l’incroyable réseau de scientifiques et techniciens mis à disposition par l’Ircam. Ces derniers ont développé un dôme de haut-parleurs en-dessous duquel l’écoute individuelle et collective repousse les limites de l’expérience spatialisée du son procurée par la fiction radiophonique traditionnelle. Textes, voix, musiques et sons produisent un écosystème fabuleux dans lequel les corps des spectateurs se perdent et les esprits se promènent.

À travers l’expérience de la lecture à haute-voix — parfois interprétée par l’autrice elle-même comme c’est le cas avec Annie Ernaux ­— l’auditoire renoue avec la tradition orale du texte et son pouvoir de religiosité. Seulement, la source sonore s’est ici démultipliée, jouant en permanence d’une dialectique entre incarnation et désincarnation. L’auteur est mort, vive l’auteur : dans les failles du discours, le spectateur s’infiltre — voire se perd — au rythme ce je(u) sémiotique et sémantique particulièrement dense.