L’ignoble idée d’une condoléance

Maryvonne

© Matthieu Cauchy

Sur la piste de sa mère, Jeanine, la jeune écrivaine Blandine Rinkel faisait en 2017 avec « L’Abandon des prétentions »le deuil de l’autofiction documentaire. Son écriture fragmentaire, préservant le mystère des proches, semble être prolongée par ce spectacle écrit et mis en scène par Camille Berthelot qui « raconte sans la juger » sa grand-mère Maryvonne. Sur l’écran noir de nuits tabagiques, Camille (doublée au plateau par Alma Livert) projette un entretien froissé. La bibliothèque intérieure de Maryvonne renaît par des lectures éphémères d’une littérature un peu triste, le récit consumé d’une rencontre amoureuse, quelques leçons de vie peu instructives. Chic et grognon, le visage dont la petite fille n’a jamais sondé la distance persiste désormais à l’image. Filmée sans trop savoir pourquoi, Maryvonne impose au document sa nuit de cafetière italienne. Elle adore cette littérature où « tout est contenu » en « peu de lettres ». Elle-même est un texte laconique, une poétique de l’énigme qu’aucun vaillant spéléologue ne pourra domestiquer. Au départ, l’enquête théâtrale prend l’allure de retrouvailles fictives. Le dialogue illusoire entre l’actrice et l’écran fait naïvement de la scène un sanctuaire réparateur. Puis, quand le montage s’embrume et clignote, ce théâtre autofictif voulant éviter l’écueil de l’« entre-soi » devient un véritable dispositif, une expérience intime et opaque permettant la rencontre et la séparation, la connivence et la coupure. Hostile comme Pascal Quignard aux embrassades impuissantes qui accompagnent le deuil, Maryvonne offre malgré elle à Camille toute sa politique théâtrale. Cette petite-fille dont le spectacle n’est pas une ultime étreinte ni la promesse d’une épiphanie, mais une communion salvatrice avec la part invisible et invincible des êtres chers. « Sous la lampe, entourée de noir, je te dispose », écrivait Jacques Roubaud.