Nostalgie contemporaine

OÜM

© Fouad Boussouf

Imprégné par l’œuvre de la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum, Fouad Boussouf s’empare de son œuvre pour la marier à celle d’une autre figure du monde arabe, le poète Omar Khayyam.

Et c’est la fin d’un cycle. Avec ce spectacle, le chorégraphe et danseur d’origine marocaine termine une trilogie qu’il débutait en 2013 par « Trans » et qu’il voulait alors consacrer « au monde arabe ». Une trilogie marquante qui prend fin de façon brillante. Sur le plateau du théâtre Benoît-XII d’Avignon, où la pièce a été créée, c’est une triple rencontre qui s’opère. Celle de la poésie entêtante d’Oum Kalthoum avec les quatrains du poète persan Omar Khayyam et le geste hypnotique de Fouad Boussouf. Ou quand le xie siècle entre en collision avec des années 1960 que 2020 ne cesse de pleurer depuis que le monde est entré dans cette phase décliniste qui nous fait redouter chaque jour un peu plus de le voir disparaître. C’est élégant et rare quand tout ici nous faisait craindre le pastiche d’une époque et d’un monde arabe suranné où les effluves de la fleur d’oranger seraient venus s’emmêler aux vocalises de la chanteuse de légende. Rien de tout cela. Face à nous s’étale un plateau blanc nécessaire à Fouad Boussouf pour faire œuvre, se dégager des images d’un passé qui colle et créer les siennes. Dessus : six danseurs et deux musiciens, séparés du fond de scène par un beau rideau de fils noirs. Des images anciennes, ne reste dès lors plus qu’une chose : ce que la lumière véhicule, douce et ample comme celle des veillées de conte fantasmées de tous. Une lumière au cœur avec laquelle les corps s’entrelacent et jouent ensemble. En langueur et en cœur. Dans un rythme tantôt saccadé, tantôt mélodieux. Toujours dans la présence des figures tutélaires que le chorégraphe appelle de sa mémoire, mais sans que jamais, à l’exception des quelques dernières minutes, la voix de la chanteuse résonne à nos oreilles. Ainsi se dégage, dans l’ordre imparfait d’un spectacle nouveau, ce qui manque bien souvent à nos scènes et trouve sa raison d’être dans l’état de fait que cela nous permet de ressentir sans avoir à regarder derrière nous une fois de plus : une forme nouvelle de nostalgie… contemporaine.