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Les comédies communautaires sont à la mode. Depuis le très gênant « Problemos » d’Eric Judor où les zadistes étaient croqués comme des mystiques demeurés, on les regarde d’un œil assez méfiant, qui ne nous a pas quittés pendant la représentation de « L’île », nouveau spectacle du collectif BAJOUR. Leur utopie branlante apparaît d’entrée dans toute sa mécanique obligée : les siestes répétitives, l’injonction « au présent », les taï-shi qui virent aux bagarres, les yogas chronométrés… Nous sommes tristes de découvrir ce jeune collectif dans une théâtralité dépassée et empruntée, aux Chiens de Navarre entre autres, où le grossier miroir potache que l’on tend au spectateur suffit pour justifier une dramaturgie paresseuse, irresponsable et dénuée totalement de politique. La mécanique des chiots de Bajour reproduit celle de leurs maîtres : ils représentent sans le dire une petite classe bourgeoise qui habite celle île comme une start-up (il y a « un palmier dans l’open space »), et prétendent du même coup offrir une vision universelle (car l’île n’est située nulle part) de ce que pourrait être le rêve communautaire aujourd’hui.

La séquence centrale, qui tourne les réunions révolutionnaires au ridicule (il y est question notamment des « soixante-huitards qui font des cakes aux fruits ») signe un pivot dramaturgique assez irritant (oh comme c’est rigolo, on va s’appeler « les mouches de l’apocalypse » !) Comment un jeune collectif peut-il offrir un telle représentation des élans politiques de sa génération, réduite entre autres à ses néo-bergers du Larzac ? Surtout quand les matériaux qui aliment la construction utopique sont des clichés perlés depuis le lycée (le mythe de Sisyphe, des propos sur la symbolique du langage…). Bref, Bajour n’est pas plus fin que ses personnages. Et en matière de représentation du désir féminin, ce n’est pas plus réjouissant. « Voici venu le temps des rires et des chants » chante leur île puérile. Au moins, Casimir ne prétendait pas être un animal politique.