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Angelin Preljocaj est familier des créations polycéphales qui s’appuient tout autant sur la musique et la littérature, de Cage à Thoreau, de Quignard à Stockhausen. Dans sa nouvelle création, d’abord présentée en clôture de Montpellier Danse cet été, nous sommes d’abord cueillis par le légendaire riff hendrixien de « Purple Haze ». Puis pris dans le vif de la théorie spinoziste reformulée par Deleuze dans son cours à Vincennes en 1981 : « Je suis composé d’un ensemble d’une infinité d’ensembles infinis de parties extensives extérieures les unes aux autres ». Pari un peu fou que de faire entendre des concepts qui constituent la face nord de la pop’philosophie, mais c’est qu’il n’est pas vraiment question de chercher à s’attarder dans la méditation métaphysique : Deleuze est d’abord convoqué pour sa voix, si caractéristique, qui agit comme une matière organique, au même titre que la guitare et le chant bluesy et saturé d’Hendrix. Preljcaj ne cherche pas, ostentatoirement, à recoudre le patchwork. Les séquences parlées et musicales se succèdent en une série de tableaux chorégraphiques où ce qui est montré par les huit danseurs n’est pas le doublon illustratif de ce qui est entendu. Fidèle à sa mixture fluide entre mouvements néo-classiques et contemporains, Preljocaj pose un enjeu proprement spinozien, qui a tout à voir avec l’intensité, ou plutôt l’intensification de notre rapport au monde, et le rôle qu’y joue notre corps. Et on peut convoquer aussi bien, à cet effet, la sensualité de « Foxy Lady » que les « effets de choc » tels que décrits par Deleuze, concluant : « Les vagues ou les amours c’est pareil. »