Nid de cendres - cie Le K - (c) Simon Gosselin

Nid de cendres – cie Le K – (c) Simon Gosselin

“Le Nid de Cendres” se réclame très justement être une “épopée théâtrale” : c’est-à-dire qu’il est un double cri d’amour au théâtre et aux histoires, au plaisir de jouer et à la joie de raconter. C’est cela que cette pièce de 6 heures et en quatre volets propose : d’embarquer pour suivre une double quête en compagnie de ses quinze impeccables interprètes, quête qui est le prétexte à communier autour de l’amour du verbe et du théâtre.

Point de départ : un monde pas bien différent du nôtre, mais coupé en deux, monde gris passé aux flammes de la guerre d’un côté, monde doré des contes et des symboles de l’autre. La narratrice nous les dépeint comme les deux moitiés d’une pomme “qui flottent sur l’océan de la marmite à confiture”. Cette image étant posée, toute la pièce est parcourue de la tension entre ces antipodes dissemblables mais qui se désirent puissamment sans même le réaliser. Viennent s’ajouter mille petits drames et histoires personnelles, qui puisent sans vergogne dans les meilleurs archétypes : rivalités fraternelles, triangles amoureux, abandon de l’enfant chéri… Simon Falguières, qui a commis ce complexe écheveau d’histoires entretissées, n’hésite pas à rendre hommage où l’hommage est dû, en même temps qu’il met son exercice à distance : il pose sur scène Homère, Sophocle et Shakespeare perdus dans les Limbes, fait jouer Oreste, Hamlet et Shylock à ses comédiens, inclut dans son histoire une troupe de théâtre… Les clins d’œil restent fins, et le public sent bien qu’il participe à une célébration de l’art oral multimillénaire qui l’a amené là.

“Le Nid de Cendres” est une épopée, donc, et elle ne manque ni de souffle ni d’ampleur. Elle marie habilement les registres, brouille les cartes, confond les repères à mesure que s’entremêlent les mondes. Tout cela tient par la grâce d’une écriture intelligente et drôle, mais aussi par la force du jeu des comédiens de la troupe. Aucun ne peut être pris en défaut, et si quelques individus brillants se détachent, c’est bien la cohérence du groupe, l’énergie communicative, le plaisir évident de jouer ensemble, qui emportent tout sur leur passage. La scénographie, modulaire et sobre, semble toute entière conçue pour leur laisser libre champ… pour le plus grand bonheur des spectateurs.