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L’histoire est belle comme un conte des frères Grimm. Pendant la création de “81 Avenue Victor Hugo” (un spectacle co-écrit avec Olivier Coulon-Jablonka et Camille Plagnet), l’autrice Barbara Métais-Chastanier rencontre des maîtres-chiens sans papier et décide de récupérer chez elle Betty (un animal « de travail ») pour lui éviter une fin de vie euthanasiée. Quand Marie Lamachère lui commande un texte pour une mise en scène avec la troupe de la bulle bleue, c’est l’histoire de cette chienne, Betty, qui lui revient en mémoire.

“Betty devenue Boop” est un conte animalier sur l’hospitalité qui nous emmène sur la route de Betty, la chienne boiteuse, qui vit dans des coffres de voitures, ou sur des parkings de supermarchés, dans la précarité de son maître Adaba, un vigile d’origine subsaharienne, et d’Emilie, une petite fille qui parle aux insectes et aux cailloux. Créée par Romain Duverne, la marionnette de Betty est magnifique, parce qu’elle est abîmée, bancale, sensible. Sur les quatre comédiens qui les manipulent, trois d’entre eux sont en situation de handicap : ils viennent de la troupe d’acteurs permanente de « la bulle bleue », un des dix établissements et service d’accompagnement par le travail, qui propose une vie professionnelle artistique.

L’écriture de ce conte est délicate, sensible et poétique. On rêve avec les enfants (le spectacle a été pensé pour le jeune public) d’un monde plus humain. On peut peut-être regretter dans la mise en scène de ne pas voir davantage la belle fragilité esthétique des marionnettes dans le jeu des comédiens, comme si la metteuse en scène avait hésité sur la réponse qu’elle donne à la question de faire jouer cette fable là par des acteurs en situation de handicap. Pour autant, les interprètes nous entrainent dans un univers visuel qui nous interroge sur ce que nous avons abandonné de notre humanité, c’est en somme un regard tendre sur notre monde abîmé.