Le dispositif d’ « A Conversation with the Sun » est assez simple – bon signe pour une performance en VR -, et d’une intelligence éblouissante. Soit un espace presque vide au milieu duquel les deux faces d’un écran : des images urbaines se succèdent, un homme et une femme vivent leur vie, ils s’endorment et un soleil tonitruant (et prémonitoire) apparaît… Mais pas tout à fait vide quand même : un groupe de spectateurs, casques de VR sur la tête, s’y baladent, dans un monde autonome. Gauches, ils ne nous voient pas : à nous de les éviter, et une petite chorégraphie maladroite s’invente. Le temps passe avant que nous, spectateurs des spectateurs, soyons invités à saisir les casques des précédents, tandis qu’un autre groupe, on l’imagine, prendra notre place : même concept, autre constellation de corps. Un nouveau monde s’ouvre en effet : le vide virtuel d’abord et une série de points lumineux qui représente les autres casques. Idée basique, conséquences complexes : il s’agit de se déplacer sans heurts, à la fois avec ceux, visibles, qui forment la constellation – les points sont littéralement des étoiles -, et ceux, invisibles, qu’on présume autour de nous, du moins de manière schrödingerienne, qui plus est face à un écran se démultipliant : autour de nous une série de dormeurs ; autour d’eux, nous qui nous étoilons. On ne croit pas si bien dire : comme le présageait le titre, un voyage cosmique a débuté : soleil et astre noir autour duquel notre cosmos d’étoiles tourne, atterrissage sur une planète aux vestiges anciens, entre Lovecraft et « 2001, l’Odyssée de l’espace », pluie d’astéroïdes…
Dommage que la VR reste un peu cheap, presque vintage avant l’heure (textures, modélisations et fluidité approximatives), car pour le reste, « A conversation with the Sun » propose un ensemble de variations chorégraphiques vertigineuses mêlant mondes réel, virtuel et fantasmé grâce auxquelles la position est en même temps locale et étendue, organique et cosmique. Mais surtout, face aux dormeurs innocents, que nous sommes invités à visionner encore une fois au sortir de la performance dans une salle de cinéma presque entièrement vide, on a l’impression persistante, presque ahurissante d’être rêvé — d’être le songe d’une communauté d’inconnus… À moins que nous les rêvions, eux au loin, depuis un chaosmos originel ? Aucune certitude ici, à part cette sensation rémanente d’être un morceau de lumière au coeur d’un songe dont on n’identifie jamais l’origine, ni la nature. Difficile de ne pas entendre l’écho de Dale Cooper au terme de « Twin Peaks » : « We are like the dreamer who dreams and lives inside the dream… But who is the dreamer? »