« When you’re alone in your forest, always remember you’re not alone », titre à rallonge du solo de Vilma Pitrinaite, induit une duplicité de sens habile, déployée tout au long du spectacle : l’inquiétude et la crainte d’être entourée d’ombres mal intentionnées ; la certitude d’être soutenue par des forces inconnues. Aucune forêt ici pourtant — sinon de celles qui marchent comme dans « Macbeth » ou d’autres dont le titre provient en réalité : un chant lituanien, pays d’origine de la chorégraphe et danseuse, dans lequel une femme s’adresse à un amant disparaissant dans la forêt pour rejoindre la résistance. La forêt est réelle, mais c’est une forêt d’hommes en rébellion ; d’ailleurs le mouvement de résistance en question en porte le nom, « Les Frères de la forêt », « Miško broliai » en lituanien.
Inspirée, plus généralement, par des vidéos de combats pour l’indépendance dans les pays de l’est, la danseuse compresse, fragmente, détourne alors ces mouvements de foule, mais seule au plateau : impossible exercice, c’est tout l’intérêt. Parfois elle isole des gestes (sans surprise, en prenant des airs de krump), d’autres fois elle circule de corps en corps, d’autres fois encore elle est la foule entière qui se lève — manifestante, guerrière, réprimée et violentée… Invisible sur le plateau, celle-ci existe dans l’air des mouvements et dans les sons polyphoniques, la voix de la danseuse se diffusant dans des boucles de loop jusqu’à devenir un vrai bruissement shakespearien. Même si la fabrication de cette bande-son toute en loops (notamment un passage d’énumération chiffrée face public) pâlissent un peu l’intérêt de cette figure subversive et mystérieuse, que la lumière peine d’ailleurs encore à obombrer suffisamment même en fond de scène, « When you’re alone in your forest… » reste une sémillante exploration de la figure du rebelle, dans laquelle la métaphore déceptive de la forêt humaine, réelle comme intérieure, abrite une réelle vigueur chorégraphique et politique.