Entretien avec Vincent Baudriller

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© Ilka Kramer

« Tout est ouvert. » C’est sur ces trois mots que Vincent Baudriller, directeur du théâtre Vidy-Lausanne depuis 2013 et ancien codirecteur du Festival d’Avignon, termine sans la clore une discussion au discours faussement calibré mais réellement ambitieux, où l’envie de ménager les uns côtoie le désir de bousculer les autres et de « faire circuler les arts ». Vidy, le théâtre et les artistes, en trois questions posées à cet architecte-passeur du théâtre des demains.

Quel théâtre pour Vidy-Lausanne ?
 Je suis venu ici parce qu’il y avait un formidable outil doté d’une histoire forte et sur lequel je pouvais projeter mon approche du théâtre et mon envie de produire, avec une dimension internationale. Maintenant, mon objectif est de continuer à produire, mais surtout de proposer des projets carrefours entre des traditions de théâtre différentes en Europe. Une des particularités de Lausanne, c’est son positionnement géographique, entre l’Europe francophone, germanophone et l’Italie, qui n’est pas loin. C’est un théâtre carrefour par essence, et j’essaie de cultiver cela, de le reproduire dans la programmation.

Le théâtre : reflet engagé de l’aujourd’hui ? 
Bien sûr ! Pour moi, le théâtre, c’est l’art du présent, l’art de l’instant, et c’est comme ça depuis plus de deux mille ans, donc il n’y a pas de raison que cela change… Autrement dit, selon moi, le théâtre ne doit pas être un art du patrimoine : il y a un patrimoine, mais celui-ci doit toujours être réinventé ! Il ne faut pas oublier que le plateau est un endroit de liberté assez rare, donc il faut en profiter pour parler d’aujourd’hui et du temps d’aujourd’hui dans ses dimensions politiques, humaines, écologiques, cela à travers une recherche et une forme artistique qui répondent d’une certaine urgence pour les artistes.

Et les artistes, dans tout ça ?
 Le cœur de mon travail de programmateur, c’est d’inviter les artistes dont j’aime profondément le travail et l’engagement. J’essaie donc d’osciller entre de vieux compagnons connus de tous et des jeunes moins connus, dont j’aime aussi le travail. Cette année, c’est ce que j’ai fait en invitant à la fois Thomas Ostermeier et Thom Luz, par exemple. Ostermeier et moi, c’est une histoire de plus de vingt ans, et je veux que cela continue en mettant à sa disposition le savoir-faire de production qui est celui de Vidy. Mais je veux aussi permettre à d’autres, dont les créations ne sont pas connues sur la scène internationale, d’avoir la même place que lui. C’est comme cela que l’année dernière nous avons présenté une œuvre de Thom Luz, qui a été repéré par Nanterre-Amandiers grâce à nous. Mais d’autres aussi, comme la compagnie El Conde de Torrefiel. Tout cela pour que mes programmations soient toujours un dialogue entre des artistes qui viennent pour la première fois et les autres, plus connus.