En sortant du Couvent des Minimes de Perpignan, je n’arrive pas à me départir du souvenir d’une photographie de l’exposition d’Aris Messinis sur les réfugiés arrivant en Grèce. Je décide de m’arrêter avec lui devant cette même image quelques instants.
Qu’est-ce qui se joue dans cette pénombre ?
J’étais au milieu de champs vides et de nombreux arbres, des oliviers. C’est l’endroit où certains réfugiés installent des camps en attendant d’être enregistrés au « Hot spot » – comme ils l’appellent – dont le lampadaire est à l’origine de la lumière de la photo. Ce sont des Afghans. Les Syriens sont mieux traités. Il y a là des milliers de personnes. J’y allais de jour et de nuit. J’ai pris cette photo très tard, vers 3 heures du matin.
Il y a une certaine distance avec les individus photographiés. Quel rapport choisis-tu et/ou réussis-tu à établir avec eux ?
J’essaie de maintenir une distance pour toutes les raisons que l’on peut imaginer en vue de leur situation. Mais pour bien travailler, il faut dans tous les cas être accepté et donc aller à leur rencontre. C’est si étrange. Je suis toujours surpris de rencontrer des gens aussi ouverts et accueillants malgré une détresse terrible. Après avoir pris cette photo, ils m’ont invité à les rejoindre autour du feu.
Tu as pris de nombreuses photographies dans ces camps. Pourquoi avoir sélectionné celle-ci pour l’exposition à Visa pour l’Image ?
Parce que les ombres laissent apparaître une famille, d’abord. Elle est comme un condensé de l’atmosphère que dégage cet endroit. Où que l’on soit dans le camp, on voit cette lumière percer entre les arbres, révélant ces ombres noires en mouvement qui disparaissent dans la fumée.
Cette photographie donne le sentiment de nous apporter plus encore que de l’information au sens journalistique du terme. Ton métier est de capter le réel : cette photographie m’a marquée car elle semble montrer le réel et un peu plus.
La Grèce accueille les réfugiés mais fait en sorte qu’ils ne soient pas visibles, ils vivent comme des fantômes, comme ces ombres que l’on devine au centre de la photo. Il est vrai que cette photographie montre plus que ce qui est visible.