Festival du Jamais Lu #2

(c) Christophe Raynaud de Lage

Né il y a quinze ans à Montréal du désir de l’auteure Marcelle Dubois de débusquer les jeunes talents du verbe dramatique québecois, le festival du Jamais Lu a débarqué au Théâtre ouvert en 2015. Le concept est simple : un appel à textes fraîchement accouchés est lancé, et seuls quatre d’entre eux sont sélectionnés pour une mise en voix présentée devant un public avide de nouvelles sensations théâtrales. À Paris, si les auteurs sont français, les metteurs en scène sont québécois et la rencontre des deux francophonies promet des feux d’artifice, sinon de joie. Place à une « parole libre, nouvelle et festive » !

Cette deuxième édition parisienne se pose en vitrine de la résistance, témoin de la violence de cette année passée et flambeau brûlant d’espoir en un avenir apaisé et rieur. Les textes présentés durant ces trois jours de bouillonnement intellectuel et utopiste sont profondément marqués par l’actualité, fruits d’un climat d’état d’urgence ayant renversé nos dernières certitudes. Avec « Enterrer les chiens », lecture orchestrée par Martin Faucher en ouverture du festival, l’auteur Jérémie Fabre impressionne par son intelligence et son imagination débordante. On assiste à du théâtre de science-fiction mêlant militantisme, extraterrestres, État policier et compost bio ; une catharsis folle et savoureusement cynique emmenée par une équipe de comédiens au talent indiscutable. Le lendemain, « L’Ennemi intérieur », de Marylin Mattei, s’attaquera à la tentation du djihad chez les ados et sera suivi de « Pourvu qu’il pleuve », texte de Sonia Ristic balafré par le souvenir des attentats de novembre 2015 et véritable souffle de vie teinté d’humour noir. Le jeune écrivain Grégo Pluym fermera la danse avec « Démêler la nuit », recherche de sens et de chaleur humaine sur fond de cannibalisme, et le week-end se terminera en beauté avec un cabaret politique mais surtout festif mêlant plumes françaises et québécoises au son du saxophone de Fred Costa.

Le Jamais Lu se distingue par sa forme – la lecture collective –, qui n’est pourtant ni du préthéâtre ni du sous-théâtre et encore moins un genre bâtard réservé aux élites. Les spectateurs sont surpris et séduits par ce moment de partage, de connivence et de rencontre où se dévoilent des talents inattendus et parfaitement rafraîchissants. La lecture devient forme à part entière, douce à nos oreilles et fulgurante dans nos imaginaires.