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Le jeune metteur en scène Arnaud Stephan adapte fidèlement le roman de Sorj Chalandon, prix Goncourt des lycéens en 2013. La pièce, comme le livre, s’articule autour de l’éternelle question hölderlinienne : “A quoi bon des poètes en temps de détresse ?”. 

Georges (l’impeccable Laurent Cazanave), étudiant à la Sorbonne et militant gauchisant, prend la relève de son ami Samuel, malade, dans la réalisation d’un projet un peu fou : monter un “Antigone” dans un Liban à feu et à sang en ce début des années 1980. Comme une tentative, échouée par avance, de repousser la guerre par un geste artistique qui fasse écho à celui d’Anouilh lorsqu’il rédigea la pièce dans les heures sombres de 1944.

Stephan est allé à Beyrouth se confronter aux énergies contrariées de cette terre marquée par la tragédie. Sa rencontre avec le metteur en scène Roger Assaf semble avoir été déterminante, qui confirme  le dicton : “si tu comprends quelque chose à la guerre du Liban, c’est qu’on t’a mal expliqué”. Le spectacle traduit bien cette difficulté à figer les enjeux dans une dialectique simpliste. Ainsi la jubilatoire séquence des répétitions (qui fait penser à la mythique scène d’auditions pour le Hamlet de “Au beau milieu de l’hiver” de Kenneth Brannagh) déploie la mosaïque fragmentée des Druzes, des Chiites, des Grecs catholiques, des Maronites…

A partir de là, tout bascule dans l’obscurité irrémédiable, mais aussi dans un pathos un peu lourd. L’histoire continue d’être déroulée par une scénographie sobre, autour de mini-plateaux roulants et de craie, mais Georges descend peu à peu dans les enfers de la guerre. Se voulant coller au plus près du réel quasi documentaire, notamment dans la scène sur le massacre de Chatila, Stephan s’englue un peu dans les détails de l’horreur, sans la grâce du Mouawad d'”Incendies”.