5812ea85-2656-4fd3-ac06-7032cbed4a85Dans la programmation du festival, les spectacles d’Outre-Mer parsèment le paysage théâtral du OFF. On en retrouve l’essentiel de la programmation à la Chapelle du Verbe Incarné, mais également dans d’autres théâtres comme l’Espace Roseau ou l’Albatros. Ces spectacles essaiment différentes expressions artistiques regroupant du théâtre, de la danse et de la musique et même du café-théâtre. Selon Greg Germain, la présence des Outre-Mer en Avignon est une belle manière de découvrir la singularité de leurs créations et « la richesse de leurs imaginaires nourris par le brassage des cultures ».

On ne peut que déplorer l’absence de ces compagnies pendant l’année dans les théâtres de la métropole. Découvrir leurs travaux en Avignon reste une occasion privilégiée pour accéder à une part de notre culture littéraire et historique. En effet, on ressent dans nombres de spectacles une sorte de résilience à l’oeuvre du mouvement de la négritude. Malgré tout, on peut percevoir le renouvellement de ces thèmes dans l’oeuvre de nouveaux écrivains des Caraïbes. Bernard G. Lagier, un écrivain martiniquais, auteur de L’Orchidée Violée, convoque une poésie singulière et irradie presque une forme de poème dramatique. Son écriture charrie une sorte de profération, un  cri toujours déjà incomplet, mais la forme du dire reste simple et le geste de l’écriture est travaillé comme la nécessité de raconter un récit, de faire fiction de l’histoire. L’Orchidée Violée évoque l’histoire d’une jeune esclave abusée sexuellement par ses maîtres qui prétend se libérer en possédant ses propres désirs et notamment ses désirs d’être mère…

L’autre écrivain que nous pouvons évoquer est celui qui a inspiré Les Dits du Bout de l’Île. Nassuf Djailani, un écrivain mahorais, propose dans ce texte une sorte de réécriture du Cahier d’un Retour au Pays Natal d’Aimé Césaire. Il propose une version où il met en perspective l’orgueil du poète se prétendant meilleur que ses frères, mais qui au demeurant constate que son pays coule dans ses veines et qu’il ne peut lui échapper. Le racisme et le rejet qu’il constate dans la société française lui révèle son intense volonté de vivre en osmose avec les cultures et les peuples. C’est le même mouvement que le Cahier que l’on retrouve dans cette écriture chargée comme un cri de révolte par la plume. Cependant, ce cri ne s’exprime pas dans une douleur lyrique, il est exposé comme un motif d’interrogation et de déploration.

On retrouve également dans les différents spectacles auxquels j’ai pu assister et notamment ceux de Tropiques Atrium, scène nationale de Martinique dirigée par Hassane Kassi Kouyaté (qui signe trois mises en scène dans le OFF cette année) la présence importante du récit, d’abord personnel et individuel, chaque récit vient incarner l’histoire du collectif. Chaque récit est une reconstruction de temps présent en même temps que volontairement inscrit dans une temporalité qui n’est jamais clairement établie et ordonnée. Aliou Cissé met par exemple en scène Le Bel Indifférent de Jean Cocteau en lui donnant de la fragilité et en lui conférant une violence amère et brisée. C’est peut-être aussi cela qui définit ces spectacles, dépassant le sentiment de la violence du colonialisme tant irrigué par leurs pères, cette nouvelle génération d’artistes prétend faire écho davantage à l’individu qu’à son histoire collective, découvrant par là une voie poétique renouvelée, de la révolte, l’homme tend à l’amour…

Vous pouvez également assister à une émission de l’écho des planches en direct de la Calade de la Maison Jean Vilar le Lundi 15 Juillet de 13h00 à 14h00 en compagnie d’Aliou Cissé, de Bernard G.Lagier et de El Madjid Saindou pour discuter de leurs travaux et définir les lignes dramaturgiques propres aux compagnies théâtrales des Outre-Mer.

Informations sur les spectacles :

  • L’Orchidée Violée de Bernard G. Lagier dans une mise en scène de Hassane Kassi Kouyaté à l’Espace Roseau à 14h10 les jours impairs avec Astrid Mercier
  • Les dits du bout de l’île de Nassuf Djailani dans une mise en scène de El Madjid Saindou par la Compagnie Ariart Théâtre à la Chapelle du Verbe Incarné à 19H45
  • Le Bel Indifférent de Jean Cocteau dans une mise en scène d’Aliou Cissé par la compagnie Tropiques Atrium à l’Espace Roseau, les jours pairs à 14h10