Vous, amateurs d’expériences artistiques et humaines, n’hésitez plus et traversez l’Atlantique au printemps prochain pour vivre les expériences scéniques de l’un des festivals les plus frais des scènes contemporaines. On chuchote déjà de belles choses pour l’édition 2017, Rimini Protokoll et Krystian Lupa devraient y être aussi.
Le festival TransAmériques de Montréal, c’est une trentaine de propositions, un QG accueillant dont les « Partys » nocturnes sont de véritables fêtes ambiancées par les artistes eux-mêmes – il paraît que l’année dernière Lars Eidinger a plusieurs fois sévi aux platines – et l’accueil légendaire des Canadiens, d’une simplicité et d’une bienveillance qui reposent. Voilà pour le décor.
Le FTA donc célébrait en 2016 sa 10e édition avec une programmation construite par son nouveau directeur artistique, Martin Faucher, de façon quasi mathématique : autant de danse que de théâtre, autant de blockbusters internationaux que de productions canadiennes qui n’ont encore jamais été vues en Europe. Une sorte de Festival d’automne à la cool, sans vernis, où l’on retrouve avec plaisir les découvertes et excitations de la saison, dont Romeo Castellucci, Jérôme Bel, Christoph Marthaler et Gisèle Vienne, mais aussi Julie Duclos et le duo italien Daria Deflorian et Antonio Tagliarini sont les têtes d’affiche. En tout cas, du point de vue de chez nous, car, comme le soulignait Martin Faucher, l’île flottante de Marthaler n’est pas à Montréal une proposition immédiatement évidente pour le public.
Festival idéal pour les éternels refusés du théâtre de la Ville, ceux pour qui prendre un abonnement en mai pour un spectacle en janvier est impossible ou pour qui la file d’attente kafkaïenne devant l’Odéon ou au cloître Saint-Louis le jour de l’ouverture des billetteries est inconcevable. Ici, en quinze jours, l’essentiel et souvent le meilleur est à portée de main. Louise Lecavalier par exemple, mythe vivant sur ses terres et icône mondiale de la danse contemporaine, présentait sa libre adaptation de la figure du Chevalier inexistant d’Italo Calvino, « Mille batailles », hypnotisant de précision et de maîtrise. Quand la performance s’achève, la salle se lève comme un seul homme et ovationne l’idole à cor et à cri, portée par l’énergie hors norme du spectacle. Il faut dire que le public montréalais sait montrer avec chaleur aux artistes sa reconnaissance, loin des codes guindés des audiences parisiennes. Ici, on dit bravo avec générosité et sans a priori. Car cette ferveur n’est pas l’apanage des stars. Le même accueil est réservé au show hilarant des Canadiens Étienne Lepage et Frédérik Gravel, « La Logique du pire », suite de saynètes absurdes tragiquement drôles et justes sur la désespérance des trentenaires occidentaux englués dans leur quotidien qui fait également se lever les foules. Les Chiens de Navarre en mieux. (Petit aparté aux programmateurs qui lisent ces lignes : ce serait une vraie bonne idée de les accueillir en France, du sang neuf fera du bien.) Comme dans tout festival qui se respecte, il y a des déceptions, des attentes non comblées, comme « SIRI », mis en scène par Maxime Carbonneau, qui avec un pitch de départ alléchant nous lasse vite en chemin : la proposition de créer un lien homme-machine avec la célèbre assistante d’Apple ne dépasse pas le premier degré.
Alors, chers festivaliers, que faites-vous en juin prochain ? La rédaction de I/O quant à elle sera au FTA et sortira deux numéros spéciaux ici et là-bas. On a hâte de vous y retrouver.