Le danseur et chorégraphe canadien Gerard Reyes présente son premier projet solo lors de cette 11e édition du FTA. Rencontre avec un artiste aux yeux qui brillent.
De quoi est venue l’urgence de créer The principle of pleasure ?
J’ai commencé à danser très « tard », à 19 ans. Ça m’a pris du temps de développer mes capacités de danseur et j’ai eu de très belles opportunités, j’ai travaillé avec des chorégraphes avant-gardistes à New-York, Los Angeles, Montréal, Berlin. Mais à un moment, j’ai senti que leurs limites n’étaient plus les miennes. J’ai commencé à chercher ce que je voulais vraiment, dans ma vie professionnelle et dans ma vie personnelle. Le voguing m’a aidé à me reconnecter à la danse en tant que ce que je suis : un homme gay. J’ai voulu sortir de l’hétéronomie imposée par la danse contemporaine, briser cette déconnexion entre le corps et la sexualité. Je joue de la frontière entre personnage et interprète.
Quel rapport au public souhaites-tu établir ?
J’ai rarement eu l’occasion d’entrer en contact avec le public de façon juste et vraie. Et c’est ça qu’il me fallait ! En tant qu’artiste, on voit souvent la scène de manière égoïste, comme un endroit où se montrer aux autres. Mais ce n’est plus ça, pour moi. Il faut dire que j’ai 37 ans, je ne cherche plus ce qu’est la danse, je suis à la recherche de quelque chose de nouveau en moi-même et pour ça je dois me poser des questions fondamentales : qui suis-je ? Qui est le public ? Je veux qu’on quitte nos habitudes, nos positions figées.
Quel réaction cherches-tu à provoquer chez le spectateur ?
Je veux voir ce qui peut se manifester entre deux personnes qui se rencontrent pour la première fois. Je suis dans la même énergie que le spectateur. De quoi j’ai envie ? Qu’est-ce que ça me fait ? Bien sûr c’est mon travail, j’ai le contrôle, mais je me laisse porter par ce qui se passe avec l’autre. C’est un défi pour moi comme pour la personne. Je ne fais pas le spectacle pour une communauté mais pour tout le monde. Je ne suis pas dans la provocation mais dans l’écoute, je veux mettre les gens à l’aise, leur donner la possibilité d’exprimer leurs désirs et leurs fantasmes dans un espace bienveillant, et surtout pas les pousser à dépasser leurs limites.
Où se situe The principle of pleasure ? Entre danse, performance et expérience ?
Je dirais que c’est une expérience, oui. Quelque chose à vivre plus qu’à voir. Bien sûr il y a une esthétique, un aspect visuel très fort, mais ici on dépasse ça, on entre dans une autre dimension.