Vienne au printemps devient depuis quatre ans une plateforme pour découvrir les nouveaux noms de la performance et de la danse contemporaine autrichiennes. Feedback prend ses quartiers d’avril entre deux lieux majeurs de l’émergence, au cœur de la cité, le Tanzquartier Wien et le Brut. Et la vitalité que l’on y découvre vaut vraiment le déplacement.
Quatre jours pour se plonger dans une diversité de formes réjouissantes, voilà la promesse que tient avec panache et humanité Walter Heun pour sa dernière édition en tant que directeur artistique. Parmi les tendances fortes que l’on retrouve de festival en festival depuis quelques mois, la revisite contemporaine des danses traditionnelles régionales et tribales, prend ici aussi une place importante avec notamment deux propositions majeures d’Amanda Piña et Simon Mayer. Avec son projet « Dance and Resistance. Endangered Human Mouvements Vol.2 », également présenté au Quartz à Brest pendant DañsFabrik, la chorégraphe chilienne basée à Vienne invite à une cérémonie rituelle quasi chamanique. À partir de mouvements issus de danses immémoriales d’Arizona et d’Indonésie, les quatre danseuses créent à nouveau un espace-temps symbolique dans lequel le public, comme envoûté, se retrouve à vivre au plus près ces processions laïques chargées d’une puissance sacrée. Mêmes intentions mais une forme radicalement différente pour « Sons of Sissy » de Simon Mayer. Ce sont les danses alpines qui forment le corpus de base de cette performance musclée qui attrape avec force et humour tous les clichés qui s’y rattachent et les tord jusqu’à en extraire un suc à la fois terriblement esthétique et violent. Cathartiques donc, les sons des corps et des souffles prennent soudainement la place de ceux des cloches et des instruments traditionnels et s’offrent, nus, dans une transe qui crie l’urgence et une certaine forme de désespérance. Autre ligne de force de ce festival viennois, la danse adressée à un public particulier filmée puis retransmise sur scène. Comme les treize ans de travail de Milli Bitterli que quatre écrans et sa présence sur le plateau reconstituent. Son idée ? Danser chez les gens ! Fascinant de regarder monsieur et madame Tout-le-Monde observer cette femme rampant chez eux, frôlant leurs meubles et leur cage d’escalier, battant des pieds dans leur cuisine et ouvrant les bras sur leur table basse. Eux, si proche de ce corps dansant qui prend vie dans leur intimité, sans mots échangés, mais dans une création d’un nouveau rapport à leur propre espace, ils regardent. Et nous regardons comment ils la regardent. Effet feelgood assuré. Un peu comme ces « Performances for Pets » d’Alex Bailey et Krõõt Juurak qui sont donc réservées à nos amis les bêtes, nouveau public, curieux, volontiers participatif et un tantinet bruyant. Le public humain doit lui se contenter d’observer la chorégraphie en vidéo. Feedback offre à ces artistes une visibilité qui, on l’espère, permettra de bientôt accueillir en France les formes décalées et nouvelles de cette scène autrichienne qui regorge de d’idées et d’envie de créer.