© Pierre Planchenault

ELLE, c’est la femme trahie, abandonnée, qui a tout perdu jusqu’à son enfant. ELLE parle dans un souffle. ELLE lutte. La parole de cette femme qui se retrouve emprisonnée dans cette « autre » qui n’est plus tout à fait elle ni tout à fait une autre, contient en elle tous les cris des femmes. Le choix qu’Anne-Laure Thumerel a fait de placer l’action dans le cadre froid d’une chambre d’hôpital, où se fanent les bouquets et meurent les souvenirs dans les replis du sable, nous rappelle que les fous de notre histoire commune, les déclassés, les déracinés, les meurtriers mythologiques qui errent d’aventure en aventure seraient aujourd’hui enfermés entre les murs d’un hôpital psychiatrique. Faute de pouvoir mettre des mots sur ce que notre esprit humain ne peut saisir, nous préférons y voir une erreur de la nature qu’il faut étouffer ou juger. Médée, pour nous, héritiers d’une mythologie qui nous traverse et nous dépasse, est un monstre qui a découpé son frère en morceaux, trahi sa famille et tué ses enfants. Nous l’avons jugée coupable. Nous l’avons enfermée entre les quatre murs de nos idéaux sociaux. Aurore Jacob et Anne-Laure Thumerel nous invitent à plonger au cœur de la souffrance de ces femmes que nous avons rejetées par peur de devoir les regarder en face et d’écouter leurs désirs.

La parole des comédiennes n’est encore qu’un petit cri dans l’univers qui assurément est appelé à grandir et à devenir pure incantation. Cette parole, dans l’épure d’une chambre froide que seul le feu libérateur parvient à réchauffer en même temps qu’il efface tout, a pris racine dans cette belle Pépinière du Soleil Bleu. Nous ne doutons pas qu’elle trouvera, entourée par le talent de toutes ces femmes qui la portent et l’accompagnent, le carré de ciel qui lui permettra de s’élever encore plus haut.