Rencontre avec Xavier Gallais : l’animal au micro

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« Le rêve d’enfant est déjà accompli », nous confie-t-il autour d’une glace à la menthe, car avec Treplev et le prince de Hombourg, Xavier Gallais a cavalé bien des fois dans la Cour d’honneur. Alors qu’il s’apprête à ouvrir à Paris l’école de la Salle-Blanche, où l’interdisciplinarité devra bannir la quotidienneté que traquent la plupart des jeunes acteurs, il joue « Le Fantôme d’Aziyadé » et « Providence » dans le OFF et participe à plusieurs fictions radiophoniques de France Culture. Dans le spectre de Pierre Loti ou le nouveau spectacle d’Emmanuel Meirieu, « La Fin de l’homme rouge », Xavier Gallais délaisse cette profération animale et symboliste qu’il avait expérimentée avec Arthur Nauzyciel et confie sa « matière-voix » à un micro feutré, outillage que n’ont cessé de renier les nostalgiques d’une mystique de l’acteur, comme Valère Novarina, qui l’envisage comme le boucher postmoderne d’un langage des « sphincters ». Comment la « parole activante » de Gallais, ce « langage des boyaux » destiné à « faire apparaître les fantômes » qu’il recherche dans sa pédagogie et son métier d’acteur, peut-elle alors se satisfaire de cette technologie prétendument aseptisante ? « Avec le micro, on peut être dans cette recherche de chant en étant très relié à son cœur », rétorque alors l’artiste, estimant que l’outil permet de « sentir la chair et la respiration » et de faire disparaître la théâtralité habituelle de l’intime. Le micro autorise alors un « voyage vocal en distance » en étant « complètement dans la matière », Gallais l’envisageant comme un « vecteur de précision » qui n’oblige pas à « surligner les signes ». Loin des voix blanches qui neutralisent pour lui la complexité des pensées et d’un surlignage lyrique qui les réduisent, le micro est finalement le nouveau médium d’une énigme vivante, entre la « pudeur de la rétention » et l’« explosion » latente des signes. L’ancien soldat indomesticable de Kleist, grand cheval romantique, a su finalement retrouver une liberté dans la contrainte technologique, preuve que le rêve symboliste submerge toujours le désenchantement vocal d’une époque.