Maybie Vareilles, comédienne dans “L’Éducation sentimentale”

© Vinciane Lebrun

Issue de l’École de la comédie de Saint-Étienne, Maybie Vareilles est comédienne dans « L’Éducation sentimentale », mis en scène par Hugo Mallon. Elle sera bientôt à l’affiche de « Tiens ta garde », avec le Collectif Marthe.

Comment s’écrit un « roman-performance » ?
Difficile de répondre, car j’ai rejoint un spectacle en cours de travail. Toute l’équipe artistique avait déjà monté pendant deux ans la première séquence du spectacle (correspondant à la première partie du roman). J’ai travaillé sur l’arrivée de Rosanette, et les trois parties suivantes ont été créées en à peine six semaines. L’adaptation a été faite essentiellement par Hugo Mallon à partir des scénarios que Flaubert avait imaginés avant d’écrire. Nous lisions les scénarios ensemble. Hugo a lu neuf fois l’ouvrage (et moi les trois quarts…). C’est principalement son prisme de lecteur qui nous guide collectivement. Contrairement à la plupart des adaptations scéniques de romans où les rouages de la narration disparaissent au profit de l’incarnation, tout ce que Flaubert met de lui dans « L’Éducation sentimentale » apparaît ici en permanence.

Comment faire de « L’Éducation sentimentale », premier roman a priori sans action de l’histoire littéraire, une aventure engagée ?
Nous essayons de dégager dans le spectacle le rapport entre le roman de Flaubert et la révolution de 1848. Cette strate historique est portée par un régisseur au plateau (Romain Crivellari) qui intervient dans le « roman-performance » en faisant état d’un contexte politique et social entrant très fort en résonance avec le nôtre. Le roman de Flaubert est politique car le parcours de Frédéric Moreau, son attraction pour Paris et son destin intranquille de petit-bourgeois reflètent un contexte politique troublé et un point de bascule historique. Lors des premières répétitions à Amiens, l’équipe participa activement aux prémices de « Nuit debout » dans la ville. Hugo Mallon estimait qu’il était impossible de faire comme si cela n’existait pas, désirant faire vivre cette révolution extérieure au théâtre sur la scène.

Pauline Bayle vient d’adapter les « Illusions perdues » de Balzac. En quoi ces canons romanesques de la littérature intéressent-ils les jeunes créateurs ?
Hugo Mallon est arrivé au théâtre avec des amis de classe préparatoire, baigné dans une culture littéraire monumentale. Ce spectacle fut ma première expérience avec des gens de ma générationsans regard plus expérimenté. Cela me rebutait au départ de lire un classique. Grâce aux lectures novatrices de Pierre-Marc de Biasi entre autres, Hugo a su rendre le texte bien plus avenant. J’aime le fait de rendre accessible le propos de Flaubert, contenu très simplement dans son écriture à condition qu’on fasse l’effort de le lire. Je pense que le « roman-performance » permet une vulgarisation de l’œuvre (qui renouvelle notre rapport aux classiques) et une interrogation politique plus profonde du texte lui-même.

Propos recueillis par Pierre Lesquelen à Lyon le mercredi 19 février 2020.