répétition à avignon de la pièce “ceux qui vont contre le vent” de Nathalie Béasse @Christophe Raynaud de Lage

Nathalie Béasse sait comme personne créer au théâtre des bulles de temps suspendus, capsules légères et surannées d’instants qui ne passent pas. Pourtant sa dernière création offerte aux vents des Carmes se situe à un carrefour inconfortable entre poésie et ennui ; trop gentilles pour être efficaces, les scènes s’enchainent, appellent parfois un sourire mais manquent globalement de tenues. Non que le propos soit un préliminaire indispensable mais parfois, une pensée qui sous-tend une image, ça sauve une soirée. Est-ce la pression avignonnaise qui fait perdre la belle profondeur habituelle de ses précédents spectacles? Toute la grammaire scénique de la metteure en scène est pourtant présente, les bâches, le jeu clownesque, l’éloge du simple, les mots rares, les langues étrangères, l’absurde sans ironie, les citations de Pina Bausch, mais ce magma foutraque et séduisant ne prend pas. En résulte une suite de sketchs et de farandoles plus ou moins réussis, frôlant parfois avec le spectacle de fin d’année qui, si elles parviennent à nous faire passer une bonne soirée, ne touchent jamais à l’essentiel. Du joli sans émotion donc, comme une danse sans élan ou un tableau sans âme, la joyeuse troupe ne parvient pas à nous faire croire à son esprit de corps surtout dans les passages textuels, un peu à l’eau de rose, qui appuie sur les faiblesses de chacun. La scène finale du lâcher /crever de ballons cristallise les problématiques du spectacle comme ce qui en fait son charme ; une scène avec l’innocence de l’enfance, une naïveté qui peut séduire ou laisser à distance. A se demander si comme souvent à Avignon, la création ne pâtit pas du lieu de la représentation;  dans l’intimité des salles du théâtre de la Bastille, le travail de Nathalie Béasse nous semblait pourtant nécéssaire et sans complaisance.