(c) Gérard Gremaud

On ne s’y attendait pas, et probablement que lui non plus. Il a fallu que la vie et ses aléas s’en mêlent pour que François Gremaud, jamais en reste quand il s’agit de prendre les chemins de traverse, rêve en quelques jours « Allegretto », le solo qui remplacera le spectacle initialement prévu mais annulé.

On emploie ici le mot solo mais peut-être n’est-il pas totalement approprié, le grand François étant accompagné sur scène de la pianiste Nino Pavlenichvili et du petit François, sept ans, arrivé tout droit de 1982. Sous le regard qu’on imagine émerveillé du petit François, François-le-grand va alors s’atteler à la reconstitution minutieuse de leur film préféré, qui est aussi le film préféré de leur papa puisque tout le monde le sait, le cinéma est une affaire de famille et les papas ont toujours raison. Et c’est là que la magie Gremaud opère.

Ce film qu’il nous raconte, presque personne dans la salle pourtant comble ne l’a vu. Et pourtant, sur ce plateau sans décors ni accessoires, nous voyons tout : de la gigantesque tête en pierre qui flotte dans l’atmosphère au mur invisiblo-transparent, en passant par le personnage principal, tout en slip écarlate et torse velu. Bien sûr on en ressort avec l’envie de voir ce film dont on n’avait jamais entendu parler moins de deux heures avant. Et bien sûr, comme à chaque nouvelle invention de l’hurluberlu vaudois, le pont tissé patiemment entre pop culture et culture académique, entre hier et aujourd’hui, se renforce encore un peu plus. C’est qu’au-dessus des deux François et du plaisir enfantin mais jamais coupable du visionnage répété d’un film de série Z des 70s plane l’éco-anxiété du XXIe siècle qui traversait déjà « Aurélien(s) ».

Mais alors, quid de l’allegretto de la « Septième symphonie » de Beethoven qui donne son titre au spectacle ? Un prétexte, comme toujours, à la déambulation poétique, sans aucun sens mais d’une cohérence imbattable. Et si, devant cette dernière phrase, des sourcils interrogateurs se dessinent en accents circonflexes, c’est que les propriétaires desdits sourcils ne savent pas encore ceci : impossible n’est pas Gremaud.