Lettre à Sylvie V.

Je ne sais pas quoi faire.

Te dire ce que j’ai sur le cœur ou bien te parler de la plénitude.

La plénitude, toi et moi, nous ne savons pas ce que c’est. On pourrait même dire que toi et moi pensons que ça n’existe pas. Ou alors dans nos illusions, nos rêves enfouis, nos nostalgies atomisées.

La plénitude, ce serait peut-être tout d’abord de se poser la question de savoir si ce que l’on fait nous élève ou nous cloue, et le cas échéant, si cela nous détermine.

Pardon de t’écrire tout cela. Mais entre nous, c’est vrai ce qu’on raconte ? Tu vas jouer à la rentrée de septembre dans un grand et beau théâtre parisien ? Par amour ou par pitié, ne fais pas ça. Pourquoi pas « Music-hall » de Lagarce. Pourquoi pas.

Est-ce que tu te rends compte un peu du mal que tu me fais ? Pas toi. Tu ne vas pas aller fricoter de ce côté-là. C’est un peu comme si Mireille Mathieu s’annonçait au théâtre de l’Odéon dans une mise en scène de Luc Bondy.

Toi qui as toujours eu cette âme slave, toi qui parlais de Proust et en lisais des extraits au micro de Michel Polac, toi qui as incarné cet ange noir et glaçant au côté de Piccoli sous la direction du grand et mystique Brisseau. Souviens-toi Sylvie.

Tu as fait rêver des millions de filles et de garçons dans les années yé-yé. À l’époque, je n’étais pas de ce monde. Et pourtant, bien des années plus tard, j’ai fait ta connaissance au cours d’une émission de télévision. Tu sais, ces shows à la Carpentier qui m’ont tant fait voyager et qui aujourd’hui, rétrospectivement, ont tendance à me faire vomir. Cette France-là, ma chère Sylvie, c’est bien fini. Aujourd’hui, il n’y a plus de numéro 1. Il n’y a plus d’amour au diapason. Il n’y a même plus 2’35 de bonheur. Et plus personne ne veut être la plus belle pour aller danser. Il reste malgré tout (hélas) un Nicolas.

Voilà, chère Sylvie, on m’a demandé d’écrire une lettre à une actrice morte ou vivante. Ça ne fera pas pleurer la blonde, mais je ne sais de quel côté désormais te situer.