Clara Le Picard : « Qu’est-ce qu’on attend ? »

À trop attendre, on s’est endormi. On dort, et on rêve. Bien confortablement installé dans son fauteuil, son canapé, son lit et on rêve. On se voit marcher sur un sentier de campagne loin de tout danger, avec les gens qu’on aime, sans arrière-pensée puisque le monde va bien. Il n’y est plus question de fermeture de frontières, de protection, de gouvernements violents, d’atteintes aux droits de l’homme, de pollution, de danger nucléaire.

À trop attendre, on s’est endormi. On dort, et on rêve. On s’est libéré de tout ce qui obscurcit notre conscience d’être dans un des rares pays riches et en paix de cette planète, on en a oublié la litanie de la crise qui veut nous faire croire que tout est notre faute, à nous, assis dans notre fauteuil ou notre canapé. Dans le rêve, on voit clair, on voit qu’on ne déteste pas notre voisin, on voit que l’argent ne mène pas le monde, on n’a plus peur de l’inconnu. On marche sur ce sentier de campagne vers un inconnu attrayant, on est prêt pour la découverte et l’émerveillement.

À trop attendre, on s’est endormi. On dort, et on rêve. On est redevenu libre, loin de la cacophonie du présent. L’ordre ancien n’est plus, le monde ancien n’est plus. À chaque époque ses récits, nous avons à inventer les nôtres.

On n’attend plus rien, on imagine, on rêve.

Comme dit la femme de Barbe-Bleue dans « De l’imagination », « l’humanité tient dans ce rêve, sans rêve, comment dissocier l’homme de l’animal ».

Alors on rêve et on passe à l’action.