David François Moreau : “Qu’est-ce qu’on attend ?”

Qu’est-ce qu’on attend pour s’enfuir ? Dans les sons, les courbes des orchestres? Qu’est-ce qu’on attend pour s’étourdir. Pour danser. Qu’est-ce qu’on attend pour aimer enfin la musique de Boulez, vraiment, sans crainte ou sans snobisme, car elle est belle. Pas “intéressante”. Belle. Elle est une ivresse, violente, érotique. Elle est douce. Nostalgique. Large. Une bouteille de whisky, ses “Notations pour orchestre” et vous partirez très loin. Pink Floyd ou Radiohead, fade à côté.
Oui qu’est-ce qu’on attend pour aimer la musique globalement, ouvertement? Pour l’enseigner mieux. Sans esprit de sérieux, sans costumes, examens, sans titres de noblesse. Les enfants dansent naturellement aux sons de Kurtàg, Monk, Debussy, Rameau et des adhans aussi et des musiques carnatiques et des Cheyennes. Les rythmes s’enlacent. Laissons-les danser ! Faire les fous, rire et tomber. Une scène nationale près des balançoires, j’ai vu ça, Messiaen dans un casque. Mon fils de 6 ans et deux copains dans leur transe.
Qu’est-ce qu’on attend pour étudier le chant des oiseaux dans les conservatoires? Pour être sidéré tôt le matin par les merles des villes? Des milliers de Charlie Parker juste là. Ils se répondent, s’écoutent, s’affrontent, protègent leur territoire. Ils improvisent. Et la musique est immense. Heureuse et complexe. C’est Istanbul à l’aube. Cette grande polyphonie de la terre.
Qu’est-ce qu’on attend pour ne plus être en colère? Qu’est-ce qu’on attend pour le courage? Pour les actes? Pour écraser cette stupide violence fondamentaliste nouvelle. Ne jamais la comprendre. La combattre. Sur tous les fronts. Par la musique aussi et tous les théâtres, le plein emploi ou le bagne. La renverser. Qu’est-ce qu’on attend pour résister? Qu’est-ce qu’on attend pour se méfier des écritures, des réalités imaginaires, des concepts, des dogmes et du bavardage? Qu’est-ce qu’on attend pour être spontané. Maladroit.
Qu’est-ce qu’on attend pour fredonner des airs dans les rues d’Avignon.