Johnny Lebigot : « Qu’est-ce qu’on attend ? »

Comme l’époque ne se prête guère à la fête, même si elle en donne une mascarade, par esprit de confusion je pousse la chansonnette. Et pour goûter à l’instant du premier rendez-vous, de concert avec Perec, je me souviens de Ray Ventura.

Et pour commencer : « Quelles nouvelles ? Tout va très bien, Madame la marquise… Et pourtant il faut que l’on vous dise, on déplore un tout petit rien, un incident, une bêtise, mais à part ça tout va très bien… »

Tout est ruiné, tout est en feu… Tout va très bien…

Qu’est-ce qu’on attend ?

« Nos petites affaires à nous, c’est ce qui passe avant tout… Chacun sur terre se fout des petites misères de son voisin du dessous… Quand une belote rencontre un autre fromage, qu’est ce qu’ils débitent ? Des histoires de pendules. »

Et nous, qu’est-ce qu’on attend ?

« De l’entrepont jusqu’à la hune ce bateau-là est dangereux… Si les marins sont saouls, le capitaine est ivre… ça va très mal finir… »

Qu’est-ce qu’on attend ?

« Et puis d’abord qu’est-ce que ça peut vous faire ? C’est imprudent de vouloir tout savoir… La réponse donne à penser. Mais il faudra s’en passer. »

Qu’est-ce qu’on attend ?

Rendez-vous chez les fous…

« Je suis Éléonore d’Aquitaine. Ça se soigne. Je suis le Satyre du Bois de Boulogne. Eh bien t’en as tout l’air. »

Rendez-vous sur le pont d’Avignon…

« Nous attendons à nouveau une vedette… mais il s’agit malheureusement d’une vedette de la police fluviale. »

« Ah que c’est dur de donner une Fête, Maintenant qu’ils sont tous partis, que la corvée est finie… Éteignons tout… »

Je me souviens… Un bon début, se retourner au risque de se transformer en statue de sel, non regarder en arrière pour recommencer… mais construire avec les morceaux d’un monde qui n’attend que de tomber, au risque d’être nous aussi emportés par la mer…

Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux…

Ray Ventura, 1908-1997, compositeur, chef d’orchestre, éditeur de musique et producteur de cinéma. Au cours des années 1930, il promeut le jazz en France.

Fuyant les persécutions antisémites, il quitte la France en 1941.