Ca(m)p(o) ou pas Ca(m)p(o) ?

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Gand, ville universitaire flamande à l’allure médiévale vénitienne, possède un des pôles culturels les plus éclectiques et dynamiques de la Belgique. Un nom s’en détache actuellement, de festivals en créations : celui du palpitant centre d’art Campo. Petit-fils de Victoria, un des fleurons de la vague flamande qui bouscula l’art scénique dans les années 1980, Campo a trouvé sa propre identité dans une conjonction entre recherche, fort ancrage territorial, diffusion et convivialité.

Le triptyque culturel Campo, réparti dans le centre de Gand sur trois sites proches – Campo Victoria, Campo Nieuwpoort, Campo Boma –, s’apparente au célèbre polyptyque de l’Agneau mystique de la cathédrale Saint-Bavon. Chacun de ses volets est un objet artistique et social à part entière, un atout précieux pour la jeune génération d’artistes émergents. Son ensemble fait référence, outil unique, peu ou pas comparable à un pendant français, ni même belge.
Mû par quatre forces : le développement, la production, la présentation de spectacles et la postproduction, Campo s’impose peu à peu sur la scène artistique internationale. Notamment depuis « Five Easy Pieces », de Milo Rau, où Campo a joué son rôle de plate-forme accompagnatrice en choisissant et en supervisant les enfants présents dans ce spectacle. De la vague flamande des années 1980, façon Ballets C de la B, qui prônait un esprit libre et contestataire de la création, Campo conserve la place centrale de l’artiste et le questionnement comme point de départ à tout projet. Fixé sur l’articulation art scénique-art visuel-beaux-arts, il accorde également une place prépondérante à l’objet. Ainsi, Campo Boma accueille en résidence pour cinq ans le collectif Onbetaalbaar, qui réfléchit et travaille autour des objets recyclés et de la notion de « matérialisme avec émotion ». Il propose des ateliers portes ouvertes où les habitants du quartier viennent restaurer leurs meubles en présence de professionnels et d’artistes. De même il initie des événements spécifiques tel le marché de Noël alternatif Jingle Bells, où chaque artiste made in Campo a vendu une partie de ses éléments scéniques, à l’instar des boules surprises de Frank Frank et Robert.

Campo s’attache également à créer des espaces de rencontre habitants-public-artistes, comme le très couru repas du mois du lundi au Campo Nieuwpoort, où un chef et des bénévoles cuisinent pour une centaine de personnes. Le bar est tenu par des réfugiés, l’ambiance est assurée et la carbonnade-frites se déguste sur la scène, symbole d’un décloisonnement total de l’artistique. Un petit set d’une création en cours est proposé en fin de repas, test public intéressant pour tous, et deux places sont à gagner pour un prochain spectacle, en guise d’appel à curiosité artistique.
Né de la fusion entre deux théâtres, le Victoria et le Nieuwpoorttheater, Campo fêtera ses dix ans le 23 février 2018 et présentera à cette occasion « Sound of C », des playlists demandées à des artistes de la structure – Sarah Vanhee, Florentina Holzinger, Benjamin Verdonck, Louis Vanhaverbeke… mais également au ministre de la Culture !
Kristof Blom, directeur artistique, reprend à cette occasion pour un show spécial l’idée majeure qui a fait connaître Victoria : une mise en présence pour un projet de deux artistes de secteurs et sensibilités différents, comme ce fut le cas à l’époque pour Alain Platel et Arne Sierens, avec « Tous des Indiens ». Duos électrochocs en vue ! Outre les performances, théâtre, danse, débats, le Campo Victoria comme lieu de résidence, Campo est aussi un festival en collaboration avec le Vooruit « Just a Good Program », qui se déroulera les 14, 15, 16 et 17 mars 2018 et mixe spectacles publics et rencontres professionnelles dans une proximité humaine et géographique.

2018 verra l’arrivée d’une nouvelle artiste en résidence, Julian Hetzel, et la création du nouveau solo de Louis Vanhaverbeke, « Mikado Remix », qui passera en automne quelque part dans la région marseillaise. Les liens Nord-Sud se font de plus en plus étroits, notamment cette année avec le festival Parallèles et la poursuite de la collaboration avec Actoral, dont le premier spectacle Campo de Miet Warlop est passé en 2013. Des objectifs artistiques très proches que résume Carl Gydé, directeur de Campo : « Créer un environnement où les choses peuvent se développer. »