I/O n° 44 [édito] In figure de colombe volat al ciel

io-44Bueona pulcella fut Eulalia, nous dit le « Cantilène de sainte Eulalie », premier poème de notre langue. On pourrait en dire autant de ce festival qui nous réunit depuis le 7 septembre et jusqu’au 31 décembre. Ne serait-ce que parce qu’eu-lalia, dans la langue des anciens Grecs, n’est autre que la « belle parole », et qu’en cet aujourd’hui traversé des pleurs de l’automne chaque festival incarne de facto cette bonne parole indispensable à la brouille des temps qui, seule, fera mentir la mort. Cette mort qui nous hante en ce mois de novembre. Mais ce n’est pas tout. Comme l’écrit Eugène Green, « la culture est une forme de résistance de plus en plus nécessaire », et c’est peu dire qu’en cet instant l’État fait chaque jour un peu plus figure de Maximilianus. Celui-là même « qui donna ordre qu’on décapitât Eulalia » et sa belle parole résistante. Désespérant ? Bien sûr que non. Les mains jointes par la corde des humiliations du temps, Eulalia est assise nue sur le bûcher, et il ne faut pas oublier que jamais sa chair ne brûle, « ni même ne grésille ». Les flammes fuient sa peau, et alors que sa tête roule sur le sol de nos sidérations voilà que le poème se clôt sur ce vers sublime : In figure de colombe volat al ciel… « Comme un oiseau sort du cou de la sainte. » Le théâtre, donc, et les festivals qui l’exposent, pour incarner cette Colombe. Chant du cygne échappé du corps à la renverse de nos sociétés décharnées. De nos idéaux enfermés dans la prison du rien, dont les lettres seules pourront nous permettre de nous évader.