Edito I/O n°48 : Aimer ce(ux) qui resiste(nt)

« Ce que l’Amour a de plus doux, ce sont ses violences ; son abîme insondable est sa forme la plus belle ; se perdre en lui, c’est atteindre le but ; être affamé de lui c’est se nourrir et se délecter ; l’inquiétude d’amour est un état sûr ; sa blessure la plus grave est un baume souverain ; languir de lui est notre vigueur ; c’est en s’éclipsant qu’il se fait découvrir ; s’il fait souffrir, il donne pure santé ; s’il se cache, il nous dévoile ses secrets ; c’est en se refusant qu’il se livre ; il est sans rime ni raison et c’est sa poésie ; en nous captivant il nous libère ; ses coups les plus durs sont ses plus douces consolations ; s’il nous prend tout, quel bénéfice ! C’est lorsqu’il s’en va qu’il nous est le plus proche ; son silence le plus profond est son chant le plus haut ; sa pire colère est sa plus gracieuse récompense ; sa menace nous rassure et sa tristesse console de tous les chagrins : ne rien avoir, c’est sa richesse inépuisable. »

Allez savoir pourquoi la programmation du festival Vagamondes a résonné si fort avec les écrits mystiques de Hadewijch d’Anvers, poétesse flamande méconnue, croisée il y a peu au détour d’errances sur les réseaux. A priori, peu de liens les unissent ; elle nous parle des feux ardents de l’amour dans un style courtois propre au xiie siècle, il nous propose les cris et les urgences des artistes de la Méditerranée. Et pourtant, c’est la même terre fertile qui les pousse à exprimer ces impossibilités, ces accords dissonants, ces frontières perméables et dangereuses. Les frères ennemis Éros et Thanatos toujours au cœur des conflits, main dans la main, balancés ad vitam entre fusion et scission. C’est en ces temps agités que Mulhouse devient limbes pour quelques jours, là où une pensée peut poindre à travers ceux qui la travaillent et en proposent les fruits sur scène, sur des cimaises ou derrière un pupitre. Nous sommes fiers de faire partie du voyage, et par ces quelques pages, de vous y inviter.