De cette injonction fondamentale naît toutes les espérances : celle du fumet voluptueux de la viande grillée (ou du mulet, selon) et de la graine beurrée à dose subtile, mais surtout d’un doux ensommeillement, le corps apaisé par une juste pitance.
Pendant que le lecteur-festivalier ventricole, contenté et repu de scènes protéinées, digère sa joie ineffable à l’ombre d’une terrasse des Corps-Saints, l’équipe d’I/O est prise de soubresauts : on dépêche un rédacteur au BO Théâtre enquêter sur la présence de lardons dans la semoule ; on s’interroge sur l’origine des nems du lycée Aubanel ; on croise deux rédactrices en burqa pendant qu’une autre joue des castagnettes dans une salle de classe de la rue des Ecoles ; dans un recoin du bar du IN, une violente polémique sur le manspreading déchire la rédaction en factions belliqueuses ; les stagiaires sont enduits d’huile brûlante et écroués devant le Palais des Papes ; un festivalier, déposé par la navette de Vedène à 50 mètres de l’entrée du théâtre et contraint de finir à pied le regrette amèrement : “Ce festival part à vau-l’eau”.
La réalité se désagrège sous la chaleur. Sous les décombres, que reste-t-il, à part des bouts de merguez métaphoriques pas vraiment de première fraîcheur ? Le souffle de Tiago Rodrigues ou les émanations cosmiques de Lemi Ponifasio ? Les avis divergent. Bob Azzam fait partie du clan des cyniques : “J’remplace les pois chiches / Par des haricots / Et comme je m’en fiche / Je jette la semoule aux moineaux”, variation postmoderne et transculturelle des perles jetées aux pourceaux de l’évangile de Saint Matthieu. Le festival n’aurait pas le public qu’il mérite. Et inversement.
Mais certains arborent un optimisme plus lumineux. Frédéric Ferrer, par exemple, assure que le jardin de la Vierge est le pôle énergétique qui permettra de sauver le monde. En attendant ce jour de gloire, on reprendra bien un deuxième Pac à l’eau.