Echec au roi

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Le dimanche, quand je ne sais pas quoi faire, je vais voir un bon meeting. Macron au Palais des sports, Le Pen à celui des congrès, Hamon à Bercy, Méluche à Répu, Fillon au Troca. Je viens avec mon appareil photo, un reflex numérique qui m’aide à passer pour un photographe professionnel. Je franchis les cordons de sécurité en brandissant l’appareil et en criant : « Presse, presse, presse ! » Je fais ma photo du jour. Je regarde les gens. Les militants, j’ai toujours trouvé ça dépaysant.

À quinze ans, à Lille, j’ai pris un abonnement dans un théâtre public (j’y ai vu « Illusions comiques », d’Olivier Py). J’ai aussi pris ma carte dans un parti politique de gauche (j’y ai vu Martine Aubry). Très vite, un paradoxe m’est apparu : si on entendait beaucoup le mot « politique » au théâtre, on n’entendait jamais le mot « théâtre » dans la bouche des « camarades ». Et pour cause, ils n’y allaient jamais. Alors à dix-huit ans, quand j’ai pu réaliser une première « carte blanche », j’ai écrit une pièce sur le milieu politique. Le jour de la première – on était en pleine campagne des régionales –, il n’y a qu’un seul camarade qui est venu. Mais c’était déjà ça.

La pièce que je présente au WET Festival va dans le même sens : étudier le monde politique quand il se rapproche du monde du théâtre, et vice versa. L’artiste dramatique a ça de particulier qu’il se construit tantôt contre le pouvoir, tantôt tout contre. L’idée m’est venue en avril 2011, quand j’ai lu un article traitant de la non-reconduction d’Olivier Py à l’Odéon dans un journal gratuit : « Métro ». Si c’était dans un gratuit, c’est que ça devenait sérieux. Un an plus tard, j’ai contacté Olivier Py sur Facebook, on a bu un Coca Zero et il m’a raconté sa version des faits. Ce fut assez déceptif : sa non-reconduction était due à une simple histoire de copinage. Mais il m’a aussi parlé d’une femme, la conseillère « culture » du président, journaliste de formation, devenue par la suite directrice du château de Versailles. J’ai peu à peu compris que si je voulais faire une pièce convenable, il fallait que je mène un travail à la fois de documentation et d’imagination. C’est donc une pièce mi-fictionnelle mi-théâtre documentaire.

J’ai écrit l’année dernière dans le cadre d’une « carte blanche ». Avec les cinq autres acteurs de la pièce, nous étions « comédiens de l’Académie de la Comédie-Française ». Bref, nous y faisions un stage d’un an. Le Français étant le théâtre royal par excellence, il ne manquait pas d’anecdotes nourrissant la trame principale. Nous avons joué trois fois la pièce au Français, dans une salle de répétition cossue, puis quatre fois au théâtre de la Loge. Pour le moment, trois ex-camarades du parti sont venus. Je suis saucé.