Durée d’exposition

(c) Lucas Het Camoille

« Un texte pour présenter votre travail et votre vision du métier d’artiste en 2 200 signes (espaces compris). » Ou : est-ce que je sais faire court ? « Durée d’exposition », que nous présentons au WET°, est un spectacle pas très long où rien n’est raccourci. Chercher une sobriété sans économie : nous travaillons sur le temps réel que prennent les choses pour apparaître. Pour exister. Pour nous toucher ici et maintenant. « Les choses » ? En l’occurrence, dans cette pièce : un deuil, une rencontre, une photographie – le processus d’une éclaircie. « 2 200 signes (espaces compris) » : cela pourrait faire un titre pour une pièce à la Charmatz, 10 000 gestes en plus frustrant. Nous écrivons à partir du plateau, en rassemblant des matériaux divers. Ainsi ce qui, bien avant les répétitions, fait démarrer nos rêves et nos recherches, c’est aussi le désir pour le demi-mystère d’un titre. Dans le cas de « Durée d’exposition », les sens techniques et métaphoriques entraient en résonance. Ils semblaient ouvrir une possible définition de la séance théâtrale : un moment de vulnérabilité réciproque, consentie voire désirée, à la fois poétique et politique, essentiellement inscrite dans un temps concret partagé. L’espace-temps où se laisser voir.

1 251 signes déjà. Le théâtre est peut-être l’endroit où l’on cesse de pouvoir ou devoir compter en signes séparés. Et le plateau, cet espace où l’on peut entre-tisser les strates de sens et donner à la complexité de leurs entremêlements une forme intuitive, non pas forcément « simple » – même plutôt volontiers composite –, mais qui cherche une forme d’évidence, c’est-à-dire de concret. Espaces compris. Oui, l’espace (vide, par exemple) est déjà un signe et une intelligence ; vice versa, le concept se meut, s’incarne, fait des pieds et des mains. Animal, architecte : nous n’avons pas à choisir. « Comprendre les espaces » pourrait être l’intitulé secret de ce travail qu’Emma et moi menons à tâtons, aidées et entourées d’autres amitiés créatrices. Elle est scénographe, je suis ici auteure-metteure en scène, ailleurs interprète. Est-ce un métier ? Au moins plusieurs. Et là, quand j’écris ce texte, est-ce que je travaille ?