« Je ne vois jamais la pièce de face »

Richard III

Gaëlle xxxx pendant la "mise", avec un membre du décor de Richard III

Gaëlle avec un membre du décor de Richard III (c) Pénélope Patrix

Gaëlle Lacourte, régisseuse plateau à l’Opéra d’Avignon le temps du festival me reçoit dans l’entrée des artistes pendant la « mise ». À cette heure-là, le plateau, livré aux décors de « Richard III », ressemble à un bac à sable électrisé par les tests son et lumière. Les marionnettes à taille humaine sont suspendues. On se croirait dans un vieux cirque.

« Je suis régisseuse plateau à l’Opéra pour la onzième année consécutive. C’est un emploi saisonnier. Notre équipe technique est composée de huit personnes : le régisseur général et le régisseur général adjoint, le régisseur lumière, son assistante, le régisseur son, le régisseur vidéo, la régisseuse plateau et la costumière. Nous sommes une équipe d’accueil, c’est-à-dire que nous accueillons les compagnies dans le lieu. Quand on reçoit un spectacle avec un gros décor comme celui-ci, la “volante” vient nous aider, avec deux régisseurs en plus, ce qui nous amène à une quinzaine de techniciens sur place. Sur ce spectacle, il faut une personne spécialisée pour l’implantation et la manœuvre des moteurs, et une personne qui parle allemand pour faciliter la communication avec l’équipe berlinoise. Moi je parle anglais, c’est indispensable pour travailler avec les compagnies du monde entier. L’équipe de Berlin, elle, représente un staff de seize personnes. Nous, on connaît notre lieu ; eux, ils connaissent leur décor.

La plus grosse problématique cette année a été de stocker l’équivalent de quatre semi-remorques de décor, c’était un ballet de camions autour de l’Opéra, l’implantation et le montage ont été acrobatiques ! L’autre difficulté a été la lenteur d’exécution, car ce spectacle n’est généralement joué qu’à la Schaubühne de Berlin, le décor original n’est pas conçu pour être déplacé en tournée. Sa venue à l’Opéra est exceptionnelle et a impliqué une réadaptation de la structure pendant le montage. Par exemple, la plateforme était électrique à Berlin, ici elle est manuelle. Le pépin, c’est que le régisseur plateau de la compagnie s’est cassé les deux coudes le troisième jour de montage. Du coup, à cause des roulements, personne n’a suivi le montage de bout en bout. Le démontage promet d’être rock’n’roll.

Tous les jours nous faisons la mise : il faut ratisser pour extraire les confettis de la terre glaise, remplacer la terre mouillée par de la terre sèche, c’est un gros travail. Depuis deux jours, je suis formée par l’accessoiriste allemand pour prendre la relève sur les manœuvres exécutées pendant le jeu. Moi, c’est ça que je recherche, cette montée d’adrénaline, le fait de travailler en permanence avec des objets et des décors nouveaux et avec des équipes différentes.

Pendant mes pauses, je me repose dans le jardin de ma logeuse, ou je rentre chez moi à Montpellier. Sur le site, on est en permanence exposés au monde, au son et à la lumière, on a besoin de reposer nos yeux et nos oreilles. C’est une expérience palpitante car il y a une bonne entente dans l’équipe, et bon, l’Opéra, c’est quand même le deuxième lieu du festival après la Cour d’honneur, on reçoit les plus grosses productions, avec les décors les plus impressionnants. »

Vision inversée

« Mon coup de cœur dans ce spectacle, c’est la force de jeu et le panache de Lars [Eidinger], le comédien principal. Ce n’est pas que Lars soit un élément du plateau, ce n’est pas exactement ça que je veux dire. Je parlais du jeu. Concernant le décor à strictement parler, j’aime le mélange des matières, la terre, le bois, le métal, avec la lumière et la vidéo par-dessus, visuellement c’est très beau – même si je ne peux le voir qu’à travers l’écran retour. Je ne vois jamais les spectacles de face ! »