"Que demande le peuple ?"

Réponse de Jade Herbulot et Julie Bertin

Le quatrième mur nous paraît faire l’objet d’un malentendu. C’est même fou de constater à quel point il constitue un des présupposés les plus solides au théâtre. Un des symptômes récurrents de cette croyance se manifeste lorsqu’un acteur, face public, regarde devant lui tout en faisant comme s’il voyait autre chose que les visages de ceux qui assistent à la représentation. En jargon théâtreux, on parle alors de regard dirigé vers la « ligne des Vosges », un horizon fictif qui contourne la réalité de la présence des spectateurs.

Au fond, nous connaissons assez mal l’histoire du théâtre. Car en effet, là où on croit dur comme fer à l’existence du quatrième mur et qu’on le considère comme un fait immuable qu’il a fallu contourner, transgresser, on ne voit pas qu’il n’a été qu’une parenthèse dans le long cours des transformations successives des formes théâtrales. Représentons-nous que, au milieu du xviie siècle, il est arrivé que des auditeurs mécontents interrompent une pièce pour en réclamer une autre puis que les acteurs s’exécutent, et l’on saisira tout l’arbitraire du quatrième mur.

Mais, soit, nous en avons eu besoin, nous avons eu besoin de construire un nouveau code. Augmenter le plaisir du public en mettant tous les outils du poète dramatique et des acteurs au service de l’illusion, tel était, entre autres, la volonté de Diderot quand il proposa dans sa poétique de faire « comme si la toile ne se levait pas ».

Aujourd’hui, il semble se dissiper peu à peu. Sans doute que d’autres nécessités se font jour. Pour nous, le Birgit Ensemble, il nous paraît primordial de chercher à actualiser sans cesse la coprésence des acteurs et des spectateurs dans un même lieu. Donner au public les regards les plus francs et les plus directs comme pour lui dire toujours « Vous êtes là, nous aussi, et c’est quand même pas mal, non ? », les concerner, le plus profondément possible.

‏Julie Bertin et Jade Herbulot

‏Le Birgit Ensemble