Ostermeier, un autre style

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D.R.

Fidèle au Festival d’Avignon, Thomas Ostermeier présente son Richard III de Shakespeare créé à la Schaubühne de Berlin tandis que vient de paraître chez L’Arche « Ostermeier Backstage », un livre d’entretiens récemment menés par le journaliste Gerhard Jörder. Ostermeier y délivre sa vision du théâtre indissociable de l’engagement politique , institutionnel et de la réalité du monde.

Au fil des pages, l’artiste se montre très analytique mêlant une grande confiance en soi tout en s’adonnant ouvertement à l’autocritique. « Etre bon juge de soi-même, explorer sa propre voie, ne pas vouloir répondre aux attentes des autres, ou vouloir copier d’autres formes qui ont du succès », voici l’intransigeant principe d’Ostermeier qui entend bien se démarquer.

De la Baracke, le plateau-hangar qui jouxtait le Deutsches Theater où il a débuté, à la Schaubühne dont il prend la direction en 1999, Ostermeier réalise ses exigences. Il monte des auteurs contemporains (Noren, Fosse, Kane alors inconnus en Allemagne) et revisite d’une façon passionnante les classiques (Ibsen et Shakespeare en tête) dont il rend toute l’actualité. Pour lui, telle une évidence, le théâtre se conjugue au présent.

Invité à donner plus de 100 dates de tournée par saison dans le monde, Ostermeier passe à l’étranger pour un metteur en scène radical alors que son travail est parfois taxé de rétrograde par la critique allemande, même s’il peut se féliciter d’être suivi par un public jeune, nombreux et brassé.

Le plus international des metteurs en scène berlinois livre un discours véhément et réfractaire sur la question de l’identité du théâtre allemand qui selon lui a trop cherché à tout faire voler en éclats. « Il faut bien rassembler les morceaux et les recoller – c’est ce que je fais » déclare-t-il. Il veut construire, reconstruire le théâtre par un retour au réalisme et à la narration.

Ce scepticisme face aux formes trash post-dramatiques et l’évolution qu’il revendique semblent bien éloignés des velléités du tout jeune Ostermeier alors en pleine période hardcore punk gaucho et en conflit permanent contre son père, l’Eglise, la Bavière de son enfance qu’il lui inspire haine et colère, puis contre le néo-libéralisme que son œuvre dénonce ; éloignés aussi de l’époque de la Baracke où il produisait dans l’urgence et l’économie, transgressant les ordres et les limites et faisait un carton dans la capitale allemande, peu conformes enfin à ses formidables Nora, WoyzeckHamlet entre autres où explosait un pur geste de metteur en scène interventionniste.

Il dit désormais moins s’intéresser à la mise en scène qu’au jeu des comédiens. Peut-être parce qu’avant d’être reçu à la « Ernst Buch » de Berlin, Ostermeier voulait faire l’acteur. A l’évidence, les siens sont rois. « Je suis un observateur passionné du genre humain » dit-il. C’est peut-être ce qui définit le mieux sa patte, son esthétique moins fortement marquée que celle d’un Castorf, un Marthaler ou un Schliengensief – il en convient lui-même – mais qui demeure l’une des plus aimés de la scène européenne.